Les femme dans la Résistance, une force de changement, un facteur de persévérance
Chaque année, le 8 mars est l’occasion de dresser un bilan de l’avancée des femmes dans le domaine des droits et du rôle majeur qu’elles jouent dans tous les domaines.
Héritières des grandes luttes historiques de la conquête des droits fondamentaux et avant-garde du mouvement pour l’égalité, les femmes de la résistance iranienne ont su concrétiser, dans la pratique quotidienne et à très grande échelle, l’égalité qu’elles ont acquise, notamment dans leur participation à la direction politique d’un mouvement national.
Ce n’est certes pas un hasard si le millier de femmes du bastion de la liberté iranienne, la Cité d’Achraf en Irak, fait trembler sur ses bases un régime théocratique fondé sur la discrimination sexuelle et une misogynie sauvage. Ce n’est pas un hasard non plus si ces femmes ont maintenu vivace la flamme d’une résistance nationale soumise à des pressions intenses, aux prises avec des conditions d’une complexité extrême dans l’Irak de l’après guerre livré à l’avidité des mollahs.
Comment et pourquoi la Cité d’Achraf a survécu et s’est épanouie pour devenir un phare de la lutte contre l’intégrisme pour l’écrasante majorité des Iraniens et du peuple frère d’Irak, c’était le thème d’un séminaire à Auvers-sur-Oise le 23 février. Quelles qualités, quelles valeurs et quelles nouvelles relations humaines ont nourri la persévérance de ce mouvement pour arracher et préserver un à un ses droits ?
« Les femmes, la force du changement », a donc été au centre des débats et des interventions. Une centaine de femmes venues d’Europe, d’Amérique du nord et d’Asie, une mosaïque de langues et de cultures, dans une ambiance chaleureuse et studieuse, se sont retrouvées dans ce village de peintres impressionnistes au nord de Paris, pour écouter la présidente élue de la Résistance Maryam Radjavi, leur transmettre les dernières expériences des femmes d’Achraf. Car paradoxe, c’est bien là dans l’œil du cyclone, que se concrétise tous les acquis actuels des femmes.
Sous la houlette de Sarvnaz Chitsaz, présidente de la commission des femmes du
CNRI qui organisait cette journée, des oratrices de qualité se sont succédées à la tribune, comme la sénatrice française Isabelle Debré, la baronne Verma de la Chambre des Lords britannique ou des députées européennes comme l’autrichienne Karin Resetarits ou sa consoeur slovaque Edith Bauer, la députée canadienne Meili Faile, la députée allemande du parlement brandebourgeois Karin Weber.
Elizabeth Sidney, présidente de la Wafe, l’universitaire américaine Carole Fountaine,
Mme Jackob, présidente d’honneur de l’association des travailleuses sociales allemandes, ou encore Denise Kessler des femmes démocrates chrétiennes suisses ont également apporté de riches témoignages Dans l’assistance on reconnaissait un vice président du parlement européen, l’Espagnol Alejo Vidal Quadras et son épouse Ampara Fuertes, l’islamologue algérienne Anissa Boumediene, le maire d’Auvers-sur-Oise Jean-Pierre Béquet, la célèbre chanteuse grecque Nena Venetsanou, et une kyrielle de personnalités du monde politique, associatif et éducatif. Danielle Mitterrand a fait parvenir un message.
Interventions et soutiens
Elles ont toutes salué Maryam Radjavi et à travers elle, les femmes courageuses d’Achraf. « J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour vous et votre combat, et c’est pour ça que je suis à vos côtés aujourd’hui », a dit Isabelle Debré. « Je suis là pour vous aider, faire en sorte que les femmes soit respectés comme elles doivent l’être. Ce qui se passe en Iran est absolument inimaginable. C’est peut être parce que nous avons cette chance, nous, d’être en paix aujourd’hui que nous pouvons maintenant aider les autres, qui n’ont pas la démocratie chez eux. »
Pour la baronne Verma, chef de file des conservateurs à la Chambre des Lords britannique, “Le monde devrait reconnaitre le haut degré d’adaptation de la nouvelle génération d’Iraniens qui mènent le combat pour la liberté. Je suis d’accord avec vous, Mme Radjavi, que la solution en Iran ne réside pas hors d’Iran, mais doit être venir de l’intérieur du pays. Nous devons vous aider dans cette bataille. Nous devons viser des sanctions et des soutiens pour assurer aux mouvements démocratiques reconnaissance et légitimité dans le monde politique. »
“Ce que nous devons célébrer aujourd’hui, a lancé Elisabeth Sydney, c’est l’immense courage des femmes qui malgré de terribles conditions, continuent à se battre, à se mettre elles et les leurs en danger face aux tyrans. Nous voyons ce courage à la Cité d’Achraf et dans la Diaspora.”
« L’être humain est doté d’un sens profond de la justice, a estimé Karin Resetarits. Engendrer l’égalité est un grand défi et demande un talent extraordinaire. Nous lutterons pour cela. C’est pourquoi il faut appeler les politiciens à travers le monde à reconsidérer leurs lois et à mettre les femmes et les hommes sur un pied d’égalité. »
“Tant que les mollahs seront au pouvoir en Iran, il n’y aura aucun changement sérieux ni amélioration fiable des droits humain et de la situation des femmes, a estimé Edith Bauer. C’est pourquoi nous réalisons l’importance de soutenir cette résistance démocratique et de demander à nos gouvernements de lui retirer l’étiquette injuste du terrorisme immédiatement. »
« Je voudrais dire que la femme est le passé et le présent de l’humanité, a dit Denise Kessler. Depuis toujours, elle assure la continuité par son courage et son bon sens. Par la fermeté de votre action, Madame la Présidente, et votre ténacité, vous en êtes la preuve. »
« Soyez assurée que mes meilleurs souhaits et ma solidarité accompagnent votre travail pour un Iran démocratique et pacifique, libéré des haines religieuses et des violations des droits humains, ouvert vers l’avenir et en paix avec ses voisins », a écrit Danielle Mitterrand dans son message.
Les raisons de la persévérance
Dans son intervention, Maryam Radjavi a voulu mettre en lumière les raisons qui ont permis à la Cité d’Achraf de tenir bon contre vents et marées et aux femmes qui la dirigent de garder le cap.
« Je voudrais brièvement évoquer ce qui a rendu possible la persévérance d’Achraf. Elle est issue de la lutte inlassable pour l’égalité. C’est le résultat de la démarcation permanente entre l’égalité et l’inégalité, entre l’émancipation et l’enchaînement.
Il est impossible de dénouer les problèmes insolubles de l’être humain sans s’engager en faveur de l’égalité. Comprendre cette vérité, constitue le fruit de nombreuses années de lutte contre le régime misogyne des mollahs, une lutte qui dans les années 1980 a connu une grande transformation culturelle dans l’organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran. Les Moudjahidine du peuple ont découvert que s’ils voulaient résister à la dictature religieuse, il leur fallait se battre contre tous les aspects idéologiques et culturels de l’intégrisme. En un mot, nous avons vu qu’effacer la vision sexiste libérait une immense énergie au sein de la Résistance et lui donnait un dynamisme surprenant. Cette transformation est riche d’expériences. J’évoquerai ici quatre changements clés.
Le premier a été la présence active des femmes à la direction de la Résistance et dans les prises de décision à divers niveaux. Le long passé des femmes dans la lutte avait préparé le terrain de cette évolution. Mais son point de départ a été la nécessité de renverser les mollahs. L’expérience de la résistance montre que la solution définitive pour briser l’inégalité ne peut se trouver sans un élan. L’hégémonie des femmes dans cette résistance, a été un bouleversement qui a brisé sa structure, qui a ouvert la voie des femmes aux responsabilités et à acquérir des compétences dans tous les domaines. Par conséquent, les femmes à la direction a été un facteur pour les faire rester dans la résistance et un facteur de dynamisme et d’épanouissement politique et culturelle pour ce mouvement.
Le second changement a été que nombre de femmes et d’hommes de cette résistance, ont renoncé volontairement il y a vingt ans à une vie de famille normale, et se sont volontairement séparés de leur conjoint, pour focaliser toute leur énergie, leur sentiment et leur attention sur la lutte contre le fascisme religieux et pour conquérir la liberté et l’égalité. Il est nécessaire dans une lutte à plein temps visant à libérer sa patrie, d’oublier une vie calme et confortable et toutes ses attaches. Sinon les femmes n’auraient pu entrer au cœur d’un combat difficile et encore moins y assumer des responsabilités au niveau de la direction. Il me faut préciser que jusque là, les membres de la résistance menaient, dans les divers centres où ils se trouvaient en Irak, une vie de famille. Leurs enfants allaient dans les écoles construites à d’Achraf. Mener une vie de famille et participer activement au combat, n’étaient pas antagonique.
Mais au début des années 1990, quand ce pays s’est enfoncé dans un climat de guerre et que les conditions sécuritaires contre la présence des Moudjahidine en Irak se sont aggravées, ces derniers sont devenus la cible continue de bombardements et de complot terroristes. C’est pourquoi il a été impossible de continuer à mener une vie de famille ni à d’Achraf, ni dans les autres bases de la Résistance. Les Moudjahidine du peuple se sont retrouvés face à un choix : abandonner la lutte à plein temps et laisser le champ libre, où tout sacrifier pour garder vivace la flamme de la résistance. En vérité, les membres de la Résistance ont élevé à un nouveau degré le don de soi pour la liberté d’un peuple. Un degré supérieur à celui du don de sa propre vie, à savoir le renoncement à tous les attachements familiaux et c’était nécessaire pour poursuivre la lutte.
Pour le troisième changement, il s’agit d’un nouveau stade de relations démocratiques au sein de la Résistance. En avançant sur la voie de l’égalité, ce mouvement a réussi a créé un cadre adéquat au développement de ses relations démocratiques. Un cadre où les relations transparentes, claires et critiques se déroulent de manière quotidienne et où s’échangent idées et points de vue les plus divers. Quand un groupe, dans le but commun de conquérir la liberté, se rassemble, ses relations doivent nécessairement être basées sur le principe de la démocratie et le libre choix. Pour un mouvement soumis à une répression intense, c’est une nécessité fondamentale d’avoir en son sein des relations unies et que chaque membre accepte des responsabilités. Le mouvement de la résistance a répondu à ces nécessités en créant de nouvelles relations humaines, que l’on retrouve dans des réunions constantes qui se déroulent entre les membres d’un même service ou des personnes qui travaillent ensemble sur un projet. En plus des réunions de travail et de coordination ou sur des points politiques, ils ont aussi des réunions pour formuler des critiques mutuelles.
Et enfin, le quatrième changement, l’éducation d’une génération d’hommes dévoués à l’idéal de l’égalité, qui dans le cadre d’une profonde transformation culturelle, se débarrassent de leurs conceptions et de leurs attitudes obsolètes et surmontent leur vision de la femme comme un bien de consommation. Au cours de réunions régulières, ils s’efforcent de mener une lutte culturelle et idéologique pour prendre leur distance avec des conceptions dévoyées, et dans la théorie comme dans la pratique d’expérimenter et de s’exercer à voir les femmes comme des êtres égaux. Libérés d’une vision sexiste, ils essaient de voir les qualités de chaque femme et chaque femme comme une égale. Et ils découvrent et reconnaissent en elle une identité indépendante, égale, émancipée et libre.
Après cette étape de la lutte, ils atteignent un stade supérieur de la conception de l’égalité qui se situe au niveau du travail et des responsabilités. Dans le sens où les hommes de ce mouvement comprennent que dans l’absence d’égalité, la moitié de l’énergie et de la créativité reste enfouie. Par conséquent dans les affaires pratiques et les domaines spécialisés, ils ne jugent plus les femmes avec des critères obsolètes. Parce qu’ils savent que ces femmes apportent des méthodes nouvelles et des valeurs nouvelles dans le monde du travail et de la responsabilité, qui justement s’ils apprennent à bien les connaître, leur ouvriront à eux aussi un monde de créativité, de capacités et d’engagement. »
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