Maryam Radjavi : ni guerre ni mollahs (Interview Afrique Asie)
Interview Afrique Asie, décembre 2008
Avec une pertinence impressionnante, la présidente élue du Conseil national de la Résistance iranienne analyse la nature fascisante du régime des mollahs et dit comment le peuple, fort d’une résistance de trente ans, parviendra à le faire tomber. si l’occident reste enfin neutre.
Propos recueillis parAugusta Conchiglia et Majed Nehmé
Question : Vous êtes la première femme du monde musulman à conduire une résistance multiforme contre la dictature théocratique. Si la Résistance l’emporte, quelles seront les réformes que vous prendrez concernant le statut de la femme ?
Maryam Radjavi : Le caractère le plus frappant du régime intégriste en Iran est sa misogynie. Les Iraniennes subissent plus durement la répression. Des dizaines de milliers d’entre elles ont été exécutées pour avoir eu le courage de s’opposer aux mollahs. Sans une foi profonde dans l’égalité totale et sans un attachement pratique à ce principe, nous n’aurions pu tenir tête au régime intégriste. Pour nous, la résistance au fascisme religieux et le mouvement pour l’égalité sont les deux faces d’un même combat. Le rôle croissant des femmes dans le mouvement dote la Résistance d’un dynamisme considérable.
Symbole de la capacité et de la compétence des femmes iraniennes, actuellement, un millier de femmes musulmanes d’avant-garde des Moudjahidine du peuple vivent à la cité d’Achraf. Cinquante-deux pour cent des 530 membres du Parlement de la Résistance sont des femmes. Ce mouvement va œuvrer sans aucun doute pour la reconnaissance du droit des femmes dans la gestion du pays et dans la direction politique de l’Iran de demain. Nous tâcherons d’y retirer toutes les injustices touchant les femmes, y compris en matière d’héritage, de témoignage, de garde des enfants. Elles jouiront de droits égaux aux hommes, y compris dans les domaines de divorce, du mariage, du choix de vêtement. Tout cela parce que nous croyons qu’aucune démocratie ne peut être parfaite sans assurer l’égalité.
Q : Trente ans après l’instauration de la République islamique en Iran, comment voyez-vous la situation actuelle de votre pays ?
MR : Un régime en crise. Le soutien dont il bénéficie est aujourd’hui limité à 3 % de la population. Il s’agit uniquement des Gardiens de la révolution et d’un cercle de mollahs au pouvoir. Lors des législatives de mars, les soi-disant députés du Majlis n’ont eu officiellement que 4 % à 12 % de voix, entendu que les chiffres ne sont jamais fiables dans ce régime.
Le moral des mollahs en berne
Malgré la montée vertigineuse qu’a connue le prix du baril, l’Iran est l’un des cinq pays les plus touchés par l’inflation, au même rang que le Zimbabwe ou l’Érythrée. Quoi qu’en disent les chiffres officiels, 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et six millions d’Iraniens ont faim. Cette situation a fait chuter le moral des troupes, créant de graves tensions internes. Les mollahs observent avec impuissance une vague de démissions au sein des commandants des Gardiens de la révolution, beaucoup préfèrent s’effacer plutôt que de se retrouver dans la tourmente qui s’annonce.
Dans ces conditions, les réseaux organisés de la Résistance se multiplient dans le pays. En octobre dernier, grâce à des initiatives astucieuses, plus de 9 millions de personnes ont pu recevoir le message du dirigeant de la Résistance, Massoud Radjavi. Ces réseaux sont à l’origine de nombreux mouvements de protestation dans les universités, chez les ouvriers, les femmes et dernièrement les commerçants. Le régime a prétendu récemment avoir arrêté une vingtaine de personnes, dans le nord de Téhéran, pour diffusion de SMS en faveur de la Résistance. Mais il s’est montré incapable de stopper le développement de ce phénomène. En un an, le nombre des activités recensées, des grèves aux manifestations, voire aux émeutes, s’élève à 5 000. Cela démontre que le peuple iranien cherche ardemment le changement. Les mollahs se maintiennent par la répression, avec des pendaisons publiques de jeunes et en semant la terreur avec des châtiments cruels comme les amputations et la lapidation.
Q : S’agit-il d’une opposition au régime ou plutôt d’actions à portée limitée qui n’inquiètent pas le pouvoir ?
MR : Le pouvoir craint sérieusement l’étendue de ces mouvements. C’est pourquoi il les réprime très durement. Prenez l’exemple de la grève des commerçants du bazar à Téhéran et en province qui protestaient, pour la première fois depuis l’installation de ce régime, contre l’augmentation de la TVA. Ce mouvement a surpris le pouvoir qui a dû reculer. Le nombre d’étudiants emprisonnés pour le seul crime d’avoir participé à des manifestations dans les universités est de plus en plus élevé. Cependant, le mouvement s’intensifie. Le mois dernier, nous avons assisté à des protestations dans les universités, à des grèves salariales, à plusieurs manifestations à Kermanchah à la suite de l’assassinat sous la torture en prison d’un membre des Moudjahidine du peuple. En un mot, le régime craint de voir ces mouvements se transformer, comme à la fin du règne du chah, en un cyclone qui le balayera.
Q : Quelle solution préconisez-vous ? Peut-on vraiment éviter une autre guerre au Moyen-Orient ?
MR : Faire croire que le monde est obligé de choisir entre la complaisance et la guerre avec les mollahs, comme le font certains, est une grande supercherie. Nous sommes opposés à une autre guerre au Moyen-Orient. On peut voir les conséquences du conflit en Irak. Nous sommes également contre la collaboration des pays occidentaux avec les mollahs. Car c’est le peuple iranien et sa Résistance qui payent le prix de cette politique. Nous proposons une troisième voie : celle du changement démocratique par le peuple iranien et sa Résistance. C’est l’unique voie pour éviter une intervention militaire étrangère.
Q : Comment ?
MR : Plusieurs facteurs permettent de réaliser ce changement. La Résistance bénéficie aujourd’hui d’un vaste soutien populaire à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Ses réseaux sociaux animent les manifestations des étudiants, des enseignants et des ouvriers. Grâce à ces réseaux, aucun détail sur les violations des droits de l’homme, le programme nucléaire militaire clandestin du régime ou son exportation du terrorisme ne nous échappe.
De plus, le mouvement bénéficie d’une structure solide dans la diaspora iranienne à travers le monde. En participant à un rassemblement à Paris, 70 000 Iraniens ont apporté leurs soutiens à la Résistance.
Q : La diaspora iranienne est-elle coupée du reste de la nation iranienne ?
MR : Certainement pas. Elle représente dans l’estimation la plus prudente, la classe moyenne citadine qui en un siècle a été le moteur de toutes les grandes transformations sociales et politiques de l’Iran. Le mouvement bénéficie également d’une coalition durable, celle du Conseil national de la Résistance iranienne (CBRI) doté d’un programme et de plans détaillés pour la période de transition. Le CNRI est composé des forces politiques, représentatives des ethnies et des religions qui constituent l’Iran et qui sont animées par l’objectif de renverser le régime des mollahs pour instaurer une république fondée sur les principes de la démocratie et de la séparation de la religion et de l’Etat. Autre point important : au cœur de cette résistance se trouvent les Moudjahidine du peuple (Ompi) qui prônent un islam tolérant et démocratique. De ce fait, elle représente aussi l’alternative culturelle à l’intégrisme.
D’autre part, il ne faut pas perdre de vue que cela fait trente ans qu’existe la résistance aux mollahs. Ni une répression des plus féroces, avec l’exécution de 120 000 membres de la Résistance, ni la complicité des pays occidentaux, ni les terribles bombardements pendant la guerre d’Irak n’ont pu la briser. De chacune de ces épreuves, la résistance au régime est sortie encore plus robuste et plus solide.
Il faut chercher le secret de cette force dans deux phénomènes : les relations profondément démocratiques à l’intérieur de la Résistance et son appui exclusif sur le peuple iranien. Soit tout le contraire de ce que la propagande des mollahs et de ses lobbies veulent faire croire. Un jour, le régime dit que ce sont les Soviétiques qui soutiennent l’Ompi, un autre les États-Unis, un autre encore l’Irak, Israël, la France, et ainsi de suite. S’il en était ainsi, alors à chaque changement dans le monde ou dans la région, les Moudjahidine du peuple et le CNRI auraient dû disparaître. En réalité, le seul point d’appui de la Résistance, c’est son peuple. Un point c’est tout.
Voilà pourquoi la Résistance représente une menace pour l’existence de ce régime. Les mollahs le savent et font tout pour attirer les Occidentaux dans leur camp afin de réprimer l’opposition. Tout l’appareil de propagande du régime est monté pour marteler cet objectif.
Il suffirait que ces pays enlèvent des obstacles, comme l’inscription sur les listes terroristes, pour que le peuple iranien réalise rapidement le changement auquel il aspire.
Q : Au vu de la répression, comment peut-on être sûr du soutien populaire de la Résistance ?
MR : C’est très simple : que l’on fasse pression sur les mollahs afin qu’ils acceptent un référendum libre sous le contrôle de la communauté internationale pour voir le soutien dont jouit chaque force politique en Iran, y compris la Résistance. Le régime refuse notre appel puisqu’il sait par expérience que le moindre espace politique ferait des Moudjahidine du peuple le plus grand parti en Iran. C’est ce qui s’est produit au lendemain de la chute du chah où, de l’aveu du régime, l’Ompi a rapidement bénéficié de 500 000 cadres. Son organe Modjahed est devenu le premier du pays avec 600 000 exemplaires.
S’appuyant sur le seul soutien populaire, en trois décennies, ce mouvement a pu conserver son indépendance et malgré les pressions se maintenir debout financièrement, politiquement et socialement.
Le degré de la crainte des autorités à l’égard de la Résistance est le critère le plus fiable sur les capacités de cette dernière. Le Wall Street Journal révélait, dans un article du 23 octobre dernier, que « l’Iran a fait de la désignation internationale de terroriste de l’Ompi une priorité diplomatique majeure ». De retour de Téhéran, la délégation de la commission des Affaires étrangères du Parlement britannique s’est dite surprise par l’acharnement hystérique de ses interlocuteurs contre l’Ompi. Il existe des centaines d’autres exemples.
Alors que le régime n’épargne pas les familles des sympathisants de la Résistance à l’intérieur, les manifestations du mouvement dans différents pays rassemblent des dizaines de milliers de personnes.
Q : Comment expliquez-vous la duplicité des États européens qui disent vouloir la promotion de la démocratie en Iran et en même temps qualifient la Résistance de terroriste ? Et cela en dépit de la décision du Tribunal européen qui a ordonné à ces gouvernements le retrait de l’Ompi de la liste européenne des organisations terroristes ?
MR : Il faut poser cette question au Conseil des ministres européens pour savoir jusqu’où ils comptent enfreindre la loi européenne. Violer les décisions de justice. C’est une épreuve cruciale pour les décideurs politiques en Europe : choisiront-ils les intérêts économiques ou l’État de droit ?
Mais si vous me posez la question, je dois dire que la justice reste encore une valeur pour certains et qu’il existe en Europe des consciences éveillées qui obligeront leurs gouvernements à respecter la justice. N’oublions pas que la Grande-Bretagne a finalement retiré l’Ompi de la liste des organisations interdites, à la suite de la plainte de parlementaires britanniques, les décisions de sa propre justice et le vote unanime des deux Chambres.
C’est une victoire sans précédent. Ou du moins comparable a celle du premier ministre Mossadegh à la Cour de La Haye face à l’Angleterre pour la nationalisation du pétrole iranien. Là aussi, c’est un honorable juge britannique qui avait tranché en faveur du droit contre la raison d’État, contre les intérêts de son gouvernement. Aujourd’hui, tout le monde sait que l’inscription de l’Ompi sur la liste terroriste ne repose sur rien et résulte d’un marchandage odieux.
Q : Maintenant que l’Angleterre n’est plus l’autorité nationale qui inscrit l’Ompi sur la liste, quel pays la maintient-elle sur la liste européenne ?
MR : La justification du Conseil pour son acte odieux est l’existence d’un dossier juridique – vide – contre les membres de la Résistance en France. Un dossier ouvert en 2001 qui résulte d’un marchandage du gouvernement français de l’époque avec la dictature de Téhéran. En juin et juillet derniers, suite aux décisions des tribunaux britanniques et le retrait de l’Ompi de la liste de ces pays, le régime des mollahs a engagé des marchandages avec la France pour qu’elle parraine l’inscription de l’Ompi sur la liste. En un mois, l’ambassade de France à Téhéran et celle du régime à Paris ont rencontré à sept reprises leurs interlocuteurs. Le régime a même demandé aux firmes pétrolières d’intervenir auprès du gouvernement français pour le convaincre de procéder à un acte illégal en invoquant le dossier fabriqué en 2001 contre des membres de la Résistance afin de maintenir l’Ompi sur la liste. Il s’agit d’un scandale.
Dossier vide
Cela fait longtemps que nous demandons que le dossier fabriqué en France contre les membres de la Résistance passe devant un tribunal. Mais apparemment personne n’ose le faire. Il ne fait aucun doute que ce procès se transformerait en celui du régime et de ses collaborateurs en France. À chaque fois qu’un tribunal en France s’est penché sur le cas des membres et des sympathisants de la Résistance, il leur a donné raison. Je n’ai aucun doute que la vacuité de ce dossier, qui rend un grand service à la répression qu’exercent les mollahs, se transformera un jour en une affaire Dreyfus, un scandale qui éclaboussera ceux qui l’ont provoqué.
Q : Le programme nucléaire n’est-il pas une question nationale ? Pourquoi s’opposer à la technologie nucléaire ?
MR : Le programme nucléaire des mollahs est un projet opposé aux intérêts nationaux. Il est contrôlé par les Gardiens de la révolution dans le but d’accéder à la bombe afin de garantir la survie du régime, alors que la majorité des Iraniens souhaite son renversement. C’est pourquoi dans toutes les manifestations étudiantes ou ouvrières, le peuple tourne en ridicule le slogan démagogique « Le nucléaire est notre droit inaliénable » en slogan populaire « La liberté est notre droit inaliénable ». De tout point de vue, ce programme est antinational. Dans un rapport confidentiel du Centre de recherche du Parlement du régime en février 2004, que la Résistance a pu obtenir, on lit cet aveu étonnant : « Malgré l’abondance de gaz dans le pays et 200 ans de réserves gazières (…) on ne comprend pas sur quoi se basent les autorités pour parler de production d’électricité par une centrale atomique » et sur « quelle réserve d’uranium elles comptent alors que l’Iran est extrêmement pauvre en uranium ». Et de conclure : « Il faut s’attendre à ce que tous les crédits investis dans ce projet soient gaspillés. » En attendant, le pays manque cruellement de raffineries pour produire l’essence nécessaire à sa consommation. Les mollahs ne sont pas à la recherche d’électricité. C’est pourquoi ils ont caché ce programme pendant dix-huit ans jusqu’à ce que la Résistance le découvre. Le premier perdant de l’acquisition de la bombe par les mollahs sera le peuple iranien. Viendront ensuite les peuples de la région, en particulier des pays arabes voisins. Parce que le régime l’utilisera pour y exporter davantage de terrorisme et sa vision réactionnaire.
Q : À la lumière de ce qui s’est passé en Afghanistan et en Irak, soutenez-vous une guerre contre l’Iran pour en changer le régime ?
MR : Le changement de régime est du ressort du peuple iranien et de sa Résistance. La voie pour ce changement ne passe pas par une intervention militaire étrangère et personne ne souhaite la répétition de l’expérience irakienne en Iran. Mais en s’attachant à la réalité, on constate que le vrai problème n’est pas une éventuelle attaque américaine. Il est de savoir si l’Occident reconnaîtra la liberté de choix du peuple iranien à résister. Se décidera-t-il à rester neutre dans le conflit qui oppose les Iraniens à la dictature religieuse ? Jusqu’où continuera-t-il à offrir des gages aux mollahs ? Durant deux décennies, aucun régime ne s’est autant servi de slogans anti-occidentaux, pour bénéficier d’une aussi grande complaisance occidentale.
La vraie menace pour la communauté internationale, c’est bien la poursuite de cette politique de complaisance. L’Histoire a prouvé que cette politique envers un régime belliciste n’engendre que la guerre.
Q : Qu’attendez-vous des pays occidentaux ?
MR : Que l’Occident ne mette pas des bâtons dans les roues de la Résistance et ne crée pas d’obstacle devant la volonté de changement des Iraniens. C’est malheureusement ce qu’il a fait jusque-là. En lui fournissant argent et technologie, en se pliant aux exigences des mollahs et en plaçant l’Ompi sur la liste noire, les pays occidentaux ont maintenu ce régime debout. Si la communauté internationale souhaite éviter une guerre dévastatrice au Moyen-Orient, elle ferait mieux d’exercer un boycott diplomatique, technologique, en armes et en pétrole contre le régime de Téhéran. Cela affaiblira le pouvoir et rendra un changement de régime, par le peuple et la Résistance, à portée de la main.
Q : Les États-Unis viennent de se choisir un nouveau président apparemment plus enclin à négocier avec le régime. Quelle est votre analyse de la nouvelle donne à Washington ?
MR : Dans une négociation, il y a deux partenaires. C’est le régime des mollahs qui va déterminer le résultat d’une négociation. En ce qui concerne les États-Unis, même les précédents gouvernements n’ont rien fait d’autre que de négocier. Mais le régime ne veut ni ne peut renoncer à ses visées. On en a déjà fait l’expérience. Une fois de plus, une négociation sera vouée à l’échec et ne fera qu’accorder du temps au régime pour s’approcher de ses fins.
Le mythe des « mollahs modérés »
Pendant vingt-sept mois, après la chute du chah, nous avons tout essayé pour rendre ce régime modéré. C’était dans l’intérêt du peuple iranien et de l’opposition. Mais nous avons fini par conclure qu’il n’existe pas de potentiel dans ce régime moyenâgeux. L’Occident a également fait l’expérience et a échoué. Ça a été la constance de la politique américaine chez les démocrates comme les républicains.
Mais cette politique a échoué. Elle n’a pas fait émerger le phénomène du « mollah modéré ». Au contraire, ce sont les factions les plus fascisantes du régime, dont Ahmadinejad est une caricature, qui se sont emparées du système. Je ne pense pas que les négociations avec le régime mèneront à quelque choses sauf si l’Occident accepte l’hégémonie d’un régime moyenâgeux et cruel doté de la bombe atomique sur une partie importante du globe. Heureusement, le président élu américain, M. Obama a déclaré dans son premier discours qu’il trouvait « inacceptable l’élaboration d’une arme nucléaire iranienne » et que « les puissances occidentales devaient unir leurs efforts pour empêcher que l’Iran n’arrive à ses fins ».
La politique américaine comme celle de l’Europe envers l’Iran devraient changer. L’élection américaine offre une bonne opportunité pour saisir cette occasion. L’Occident devrait comprendre que le peuple iranien est décidé à déraciner les mollahs et à instaurer un système démocratique et anti-intégriste en Iran. C’est un souhait légitime, il faudrait que le monde le respecte.
Q : Certains analystes propagent la rumeur selon laquelle les États-Unis pourraient se servir des Moudjahidine pour mener une autre guerre dans la région. Qu’en pensez-vous ?
MR : Cela fait des années que nous entendons ce genre de propagande mensongère. Elle cherche à ternir l’image de la Résistance et à empêcher l’adoption d’une politique de fermeté internationale face au régime. Une analyse objective des méthodes de propagande du régime permettra de découvrir qu’aucun service de renseignement au monde n’est aussi chevronné en matière de manipulation et de mensonge. Souvenez-vous qu’à l’origine des fausses rumeurs sur les armes de destruction massive en Irak se trouvait le régime de Téhéran. Il cherchait à préparer le terrain à la guerre et cacher du même coup ses propres efforts pour obtenir ces armes. Les lobbies du régime déversent dans cette campagne des millions de dollars. Je l’ai déjà dit : pour changer l’Iran, nous n’avons besoin ni d’argent, ni d’armes, mais nous demandons à l’Occident de rester neutre. C’est la première de nos attentes. Le peuple iranien, héritier d’une grande civilisation, est capable, par le biais d’une résistance qui dure depuis près de trente ans, de réaliser le changement démocratique dans son pays.
Q : L’ancienne administration américaine, tout en brandissant des menaces contre le régime des mollahs, lui a offert l’Irak, un régime séculier, sur un plateau d’argent. Comment analysez-vous cette duplicité ?
MR : Cela démontre que la guerre n’était pas une solution acceptable. Elle a permis au régime des mollahs d’envoyer des dizaines de milliers de ses mercenaires dans ce pays pour propager la terreur avec des assassinats cruels. Je viens de faire allusion à l’extrême hypocrisie des mollahs. Dès le premier jour, la Résistance iranienne a averti que l’intégrisme islamiste, dont le cœur bat à Téhéran, est la plus grande menace contre la paix, la sécurité et la stabilité dans le monde. C’est l’ennemi commun de tous les peuples de la région. Le régime cherche à présenter les choses d’une manière inversée. Indépendamment de la volonté de tel ou tel État, quand vous devenez complaisant avec le démon, il grignote du terrain. C’est ce qui s’est passé en Irak. C’est l’illustration d’une mauvaise politique.
En 2003, j’avais averti que l’ingérence du régime de Téhéran en Irak était bien plus dangereuse que ses activités pour la bombe atomique. On n’a pas voulu m’écouter. Résultat, plus de 5,2 millions d’Irakiens l’ont dit dans leur déclaration solennelle : «L’Iran des mollahs mène une occupation cachée et fait obstacle à l’instauration de la sécurité, de la stabilité et de la démocratie en Iran et empêche son indépendance en retardant le retrait rapide des forces multinationales.»
Q : Récemment, des nouvelles ont circulé sur la protection de la cité d’Achraf, qu’en est-il ?
MR : La question des 3 500 membres des Moudjahidine du peuple résidant à la cité d’Achraf en Irak est devenue une question d’intérêt international. Les mollahs tentent d’anéantir cette cité qui est devenue un foyer de résistance et d’espoir face à l’intégrisme. Simultanément, ils attaquent Achraf en tirant des missiles Graad. À mon avis, Achraf est un test sur l’attachement à l’État de droit. Selon les avis des plus éminents juristes en droit international, la protection d’Achraf doit être assurée par les forces américaines.
Le secrétaire général de l’ONU, les organisations de défense des droits de l’homme, les parlements de divers pays et le Parlement européen ont insisté sur les droits des habitants d’Achraf. Le 2 octobre, des membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ont écrit dans une importante déclaration : « Le transfert de la protection des résidents d’Ashraf dans les conditions actuelles est contraire au principe de non-refoulement, à la Quatrième Convention de Genève, à la Convention sur les réfugiés, à la Convention contre la torture, au droit international humanitaire et au droit international, et entraînerait une catastrophe humanitaire. C’est pourquoi nous exhortons les forces américaines, tant qu’elles demeureront en Irak, à continuer de protéger les résidents d’Achraf et à maintenir leur protection judiciaire dans le cadre du droit international ».
Je lance ici un appel à tous les défenseurs des droits humains et aux forces démocratiques et éprises de liberté dans le monde pour se lever en soutien à Achraf et empêcher une tragédie humaine.
Q : On assiste à une montée en puissance des antagonismes entre sunnites et chiites dans le monde arabo-musulman, encouragés et alimentés par le régime des mollahs. Quels sont les vrais desseins derrière cette guerre fratricide ? Comment la politique américaine en Irak a-t-elle favorisé la résurrection de ces antagonismes ?
MR : En réalité, le vrai conflit dans le monde musulman n’est pas entre le chiisme et le sunnisme, mais entre l’islam démocratique et tolérant et l’interprétation intégriste de l’islam. L’Interprétation déviée de l’islam abreuve le terrorisme et l’expansionnisme, comme le fait le régime iranien. En ce qui concerne les objectifs de ce régime, c’est bien la domination du monde musulman. Si cela peut se faire avec des courants intégristes chiites, il s’appuie sur eux ; si son dessein peut se réaliser avec des courants sunnites, il s’appuiera sur eux. C’est ainsi qu’il soutient en Palestine certains courants intégristes sunnites. Les agissements du régime iranien n’ont rien à voir avec le chiisme et sont bannis par la majorité des chiites. Ce régime est le plus terrible des ennemis de l’islam et du chiisme. Bien entendu, là où on le laisse agir librement comme en Irak, il sème la zizanie en attisant les différences pour mieux régner.
Q : L’Iran déploie des efforts soutenus en direction du continent africain pour y favoriser le prosélytisme chiite sous couvert d’aide au développement. Quels sont les vrais enjeux de ce redéploiement ?
MR : Il ne s’agit pas d’une question de chiites ou de sunnites. Il s’agit de l’exportation de l’intégrisme islamiste. En Afrique mais également en Irak, en Afghanistan ou au Liban, et autres pays islamiques, le régime envoie les dollars et les mollahs, dépense de grosses sommes d’argent pour faire avancer ses objectifs néfastes. Au début, il prétexte des œuvres caritatives. Ensuite, dans les mosquées, il fait du prosélytisme pour la doctrine du Velayat Faghih, la suprématie du Guide religieux, qui n’a rien à voir avec l’islam. Cela lui permet de recruter et d’envoyer la force Qods des Gardiens de la révolution pour s’imposer politiquement, faire avancer ses desseins terroristes et propager la haine et la terreur. Ce régime est le plus grand ennemi de l’islam, du chiisme et du Prophète. Profitant de l’ignorance et de la pauvreté, il a malheureusement bien progressé dans certains pays. Le régime ne vise pas le progrès de ces pays. Sinon, au lieu d’avoir ce bilan funeste en Iran, il aurait assuré le progrès du peuple iranien.
Q : Nous sommes témoins du rapprochement d’États d’Amérique latine, comme le Venezuela, avec le régime iranien. Ahmadinejad serait-il devenu le porte-drapeau de l’anti-américanisme ?
MR : Le régime du Guide suprême en Iran et Ahmadinejad sont avant tout les chantres de l’hypocrisie. Des charlatans qui prétendent représenter les déshérités mais qui n’ont fait qu’appauvrir et affamer le peuple iranien. Ce régime fait pendre des jeunes pour détention de drogue, alors que ses dirigeants maîtrisent le trafic de stupéfiants ou de la traite des femmes et des jeunes filles. Les autorités assurent leurs interlocuteurs de vouloir la stabilité et la paix dans la région, mais elles entretiennent les groupes terroristes les plus criminels qui prennent pour cible la population innocente. C’est pourquoi il ne faut pas tomber dans le piège démagogique des slogans de ce régime. Les slogans anti-américains ne sont pour lui qu’un moyen au service de la répression dans le pays. Au lendemain de la révolution, c’est avec ce slogan que Khomeiny a étouffé les revendications en faveur de la liberté et qu’il a monopolisé le pouvoir. Le front démocratique qui s’est alors constitué autour de Massoud Radjavi affirmait que sans la démocratie, les idéaux de la révolution antimonarchiques seraient détournés. C’est bien ce qu’il s’est passé.
La liberté à tout prix
En aucun prétexte, on ne peut et on ne doit composer et collaborer avec une dictature fasciste religieuse. Les pays qui lient leurs destins à cette dictature se trompent sur le compte de ce régime et ont tout à perdre. C’est un mauvais choix pour leur peuple, ils devraient immédiatement couper toute collaboration avec les mollahs.
Q : Vous avez perdu beaucoup de vos proches et votre vie est constamment menacée. Y pensez-vous ?
MR : Quand vous êtes confronté à une dictature cruelle qui a exécuté 120 000 prisonniers politiques et a mené au moins 450 attentats à l’étranger, tout peut arriver, comme pour nombre de mes amis et camarades qui ont perdu la vie. À l’époque du chah, une de mes sœurs a été exécutée, mon frère a été emprisonné, et sous Khomeiny une autre des mes sœurs et son mari ont été exécutés après avoir été torturés. Ma belle-sœur Monireh a été pendue lors du massacre des prisonniers politiques en 1988. Mon beau-frère Kazem, frère aîné de Massoud a été assassiné en 1990 près de Genève.
C’est l’histoire de toutes les familles iraniennes qui ont choisi de résister. Nous avons décidé, face à cette dictature, de tracer un avenir radieux pour notre peuple. Pour arriver à un objectif aussi précieux, nous sommes prêts à payer le prix qu’il faudra. ?
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