Conférence d’éminents juristes, experts en droit et défenseurs des droits humains
Maryam Radjavi: Il est urgent de tenir les dirigeants du régime iranien responsables des exécutions et des massacres et de mettre fin à leur impunité
Le samedi 24 aout 2024, une conférence a été organisée sur les crimes d’atrocité contre l’humanité, spécifiquement le massacre des prisonniers politiques et le génocide des membres de l’organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK) en 1988, ainsi que les exécutions massives de 1981 et 1982 en Iran. Les propos des intervenants ont souligné le besoin urgent de tenir le régime pour responsable et de mettre fin à l’impunité des cerveaux et des auteurs de ces crimes, dans le cadre des lois et des traités internationaux.
Les personnalités suivantes assistaient à cette conférence :
Pr. Chile Eboe-Osuji, Président de la Cour pénale internationale (CPI) (2018-2021)
Pr. Leila Sadat, conseillère spéciale sur les crimes contre l’humanité auprès du procureur de la CPI (2012 – 2023)
Pr. William Schabas, spécialiste de renommée mondiale en matière de génocide, ancien président de la Commission d’enquête indépendante de l’ONU sur le conflit de Gaza de 2014 (2014-2015)
Pr. Javaid Rehman, rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Iran (2018 – 2024)
Pr. Herta Däubler-Gmelin, ministre allemande de la Justice (1998 – 2002)
Pr. Wolfgang Schomburg, juge au tribunal pénal international de l’ONU pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda
Dr. Mark Ellis, Directeur général de l’International Bar Association (IBA)
Pr. Claudio Grossman, Conseiller spécial du procureur de la CPI, membre de la Commission du droit international de l’ONU (CDI)
Clément N. Voule, Conseiller spécial du procureur de la CPI, membre de la Commission du droit international des Nations unies (2018 – 2024)
Pr. Jeremy Sarkin, Président-Rapporteur et membre du groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires (GTDFI), (2008-2014)
Steven Schneebaum, Professeur adjoint, École des hautes études internationales, Université John Hopkins
Tahar Boumedra, Président de JVMI ; ancien chef du Bureau des droits de l’homme des Nations unies en Irak
Kenneth Lewis, avocat de l’OMPI dans le procès en Suède du meurtrier de masse Hamid Noury
Gilles Paruelle, avocat, Tribunal pénal international pour le Rwanda, ancien bâtonnier du Val d’Oise
L’ambassadeur Lincoln P. Bloomfield Jr., ancien secrétaire d’État adjoint aux affaires politico-militaires des États-Unis.
Maryam Radjavi a ouvert les travaux par une intervention :
Mesdames et Messieurs les juristes et experts éminents,
Mesdames et Messieurs,
La conférence d’aujourd’hui est consacrée à la question des droits humains lapidés du peuple iranien.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale quand la Déclaration universelle des droits de l’homme a été rédigée, ses termes étaient influencés par « la conscience de l’humanité » qui fut « révoltée » par cette effroyable tragédie.
La Déclaration universelle des droits de l’homme annonce que « l’avènement d’un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l’homme. »
Aujourd’hui, les mots de ce document historique n’ont pas changé, mais dans la pratique, ils n’ont plus d’effets parce que des millions de personnes souffrent de la torture ou ont été exécutées.
Dans notre pays, il existe aujourd’hui un régime dont le pouvoir dépend directement de la répression des droits humains. Et sa survie est assurée et garantie par des tueries. Face à ce régime, une longue résistance aux innombrables souffrances se bat pour la restauration des droits humains. Nous sommes fiers d’être des combattants de la liberté et des droits humains.
45 années d’exécutions et de massacres en Iran
Chers amis,
Durant le mois qui vient de s’écouler, la dictature religieuse et son nouveau gouvernement ont pendu au moins 126 prisonniers dans diverses villes d’Iran.
Cela fait partie de la vague d’exécutions de cette année, pour laquelle les mollahs ont les coudées franches.
Ces crimes traduisent la peur du régime face à une société rebelle prête à se soulever. Mais il ne s’agit pas seulement d’aujourd’hui. L’an dernier, 864 personnes ont été exécutées.
En 2019, au moins 1500 personnes et en 2022, quelque 750 personnes ont été tuées par les balles des pasdarans lors des soulèvements nationaux.
C’est l’histoire d’un régime qui exécute et massacre le peuple iranien depuis 45 ans et qui touche toute la société, des fidèles de divers cultes et religions jusqu’aux minorités ethniques réprimées des Baloutches et des Kurdes.
Dans son dernier rapport de recherche, le professeur Javaid Rehman a décrit les exécutions de 1981 et 1982 ainsi que le massacre de 1988 comme des « crimes d’atrocité » et un exemple clair de génocide et de poursuite de crimes contre l’humanité. Il a souligné que le guide suprême et de nombreux responsables du régime ont été directement impliqués dans ces crimes.
Une parodie du droit, de la démocratie et de la justice
En réalité, jusqu’à ce jour une montagne de documents et de preuves a été publiée sur la répression en Iran, notamment :
– Un livre contenant la liste des 20.000 martyrs,
– Un livre inventoriant les noms de plus de 5000 Moudjahidine du peuple massacrés en 1988,
– Un ensemble de documents sur le massacre dans les prisons des provinces iraniennes,
– Des témoignages et souvenirs de prisonniers politiques,
– La publication des dizaines de rapports périodiques des rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur les exactions en Iran,
– Des milliers de clips sur la répression et le meurtre de manifestants,
– Une multitude de rapports sur les tortures et les agressions contre les prisonniers politiques, notamment les femmes,
– Sans oublier les aveux explicites de plusieurs dizaines de hauts responsables du régime ayant soutenu ou appelé à ces crimes. La diversité de ces documents est franchement sidérante.
L’ONU a adopté 70 résolutions sur la violation des droits humains par les mollahs, cependant cette organisation, ses organes concernés et ses pays membres n’adhèrent pas aux exigences réelles de ses résolutions et ne réagissent pas. Sauf pour, dans certains cas, des déclarations clichées qui assurent au régime qu’il ne se heurtera à aucun obstacle international.
Dans les cas où les tribunaux occidentaux ont condamné des auteurs de massacres et de terrorisme du régime sur la base des lois nationales ou de la compétence universelle, il est regrettable que des gouvernements occidentaux aient libéré bourreaux et terroristes de leurs prisons pour les renvoyer au régime en Iran. Nous en avons vu des exemples en Suède cette année et en Belgique l’an dernier. N’est-ce pas une parodie du droit, de la démocratie et de la justice ?
Ceux qui ferment les yeux sur la tragédie des droits humains lapidés en Iran oublient que la destruction des droits des personnes sur une telle échelle n’est pas uniquement un problème interne. Cela fait partie de la guerre sauvage que livrent les mollahs pour leur survie et qui étendent leur bellicisme au Moyen-Orient et leur terrorisme dans le monde entier. Si ce régime et ses dirigeants ne bénéficiaient pas d’impunité pour leurs crimes en Iran, ils n’auraient jamais pu mettre à feu et à sang l’Irak, la Syrie, le Yémen et le Liban dans de telles dimensions, ni déclencher cette guerre dévastatrice dans la région depuis octobre dernier.
Le massacre de 1988, un cas extrême de violations
Mesdames et Messieurs, Chers amis,
L’un des cas les plus effroyables de violations des droits humains par les dirigeants iraniens est le massacre en 1988 de 30 000 prisonniers politiques. 90 % des victimes étaient des hommes et des femmes des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI).
Le massacre a d’abord concerné les Moudjahidine du peuple, puis en se développant, il a aussi happé les combattants kurdes et les prisonniers politiques marxistes.
Le mouvement pour la justice continue aussi pour enregistrer les noms des autres prisonniers massacrés.
Nous sommes aujourd’hui le 24 aout. A cette date en 1988, Massoud [Radjavi], le dirigeant de la Résistance, informait le monde de la survenance d’un grand massacre dans les prisons de Khomeiny, avec un télégramme adressé au Secrétaire général des Nations Unies.
Dans ce télégramme, il révélait l’ordre manuscrit de Khomeiny d’exécuter les prisonniers politiques et de lancer une vague d’arrestations politiques contre plus de 10 000 personnes, et précisait : « les exécutions massives de prisonniers politiques ont commencé, alors que beaucoup avaient purgé leur peine. »
Jusqu’à cette date, personne n’était au courant du décret ordonnant le massacre. Montazeri, le dauphin déchu de Khomeiny, a publié l’original douze ans plus tard.
En décembre 1988, les partisans de la résistance dans 17 pays ont mené des grèves de la faim et de grandes manifestations.
En 2019, la Résistance iranienne a révélé les noms de 35 commissions de la mort ayant commis en 1988, sur ordre de Khomeiny, ce génocide contre les prisonniers dans toutes les provinces d’Iran.
Le mollah Pourmohammadi, membre d’une commission de la mort en 1988 et candidat à la récente élection présidentielle du régime, a affirmé qu’il y avait eu 30 commissions de la mort de 3 à 5 membres pour commettre ce massacre.
Sur la base des témoignages de centaines d’anciens prisonniers, ces commissions ont cherché à identifier et pendre, conformément au décret de Khomeiny, ceux qui, dans les prisons du pays, restaient fidèles à leurs convictions.
Elles ont été guidées par les phrases du décret de Khomeiny, qui avait écrit : « Il est naïf de faire preuve de clémence envers les ennemis de Dieu, la fermeté contre les ennemis de Dieu est l’un des principes incontestables du régime (…) anéantissez rapidement les ennemis de l’islam ».
Cet effroyable décret a été et reste la pratique immuable du régime de Khomeiny et de Khamenei contre des générations de Moudjahidine du peuple, pratique qui est devenue une loi.
Un cycle incessant de tueries
Après Khomeiny, Khamenei a bâti son règne sur la mer de sang des victimes de ce massacre.
Au cours de ses 35 années à la fonction de guide suprême, le cycle des exécutions et des tueries ne s’est pas arrêté un seul jour. Des femmes, des adolescents, des opposants politiques, des compatriotes de confessions sunnites, des intellectuels, des libres penseurs, des Bahaïs, et bien d’autres, ont tous été emportés par ces vagues d’assassinats.
Malgré tout, la politique d’impunité des dirigeants du régime pour ces crimes s’est poursuivie.
Réconfortés par cette politique, lors des audiences du procès par contumace mené contre 104 membres de la résistance à Téhéran, un mollah a qualifié la lutte de l’OMPI de « Baghi » ou rébellion et a déclaré que « Baghi » est plus grave que « Moharebeh », la guerre contre Dieu. Un juge peut prononcer une sentence autre que la peine de mort en cas de « guerre contre Dieu », mais pour « Baghi » il n’y a que la peine mort.
Lors des audiences publiques de ce simulacre de procès, les mollahs interpellent sans vergogne les pays européens, leur demandant pourquoi ils n’extradent pas les membres et responsables de la Résistance iranienne. Ils menacent également qu’ « à partir de maintenant, si des Iraniens vivant à l’étranger assistent à un rassemblement à l’appel de l’OMPI n’importe où dans le monde (…) ils feront l’objet d’une notice rouge et seront expulsés vers l’Iran. » Imaginez donc ce qu’ils font avec les membres des unités de résistance et les sympathisants de l’OMPI en Iran ! Ce simulacre de procès est clairement en train de préparer le terrain pour intensifier la répression dans le pays, mais aussi développer le terrorisme hors d’Iran.
Les menaces lancées par les mollahs contre la cité d’Achraf 3 en Albanie et les droits des Moudjahidine du peuple qui y habitent, s’inscrivent dans ce cadre. Achraf 3 abrite des milliers de témoins directs de la torture, des exécutions et des massacres dans les prisons de Khomeiny et de Khamenei. Comme l’a écrit le professeur Eboe-Osuji dans son précieux avis juridique, les droits de tous ces Moudjahidine du peuple doivent être protégés sur la base de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Convention de Genève de 1951.
Un rapport impartial
Face aux crimes barbares des années 80, la communauté internationale et les Nations Unies sont restées silencieuses.
Le rapport du professeur Javaid Rehman constitue une avancée importante dans ce domaine. Il a donné la description la plus appropriée de crime d’atrocité du régime comme des crimes contre l’humanité et de génocide contre le peuple iranien et il les a fait enregistrer à l’ONU.
Bien entendu, compte tenu du grand nombre de crimes commis par le régime, ce qui a été dit n’en représente qu’une fraction. Mais le travail précieux réalisé dans ces conditions, est véritablement digne d’éloges.
Par ailleurs, les limites et les obstacles posés sur la route des rapporteurs soient bien connus, sur la base de nombreuses expériences à ce sujet, des choses sont imposées aux rapporteurs pour équilibrer les problèmes dans le sens souhaité par le système.
M. Boumedra a déjà publié son expérience à ce domaine dans le livre « L’histoire non révélée du camp d’Achraf ».
J’estime nécessaire, dans cette conférence de témoigner d’une réalité majeure. Il s’agit du travail impartial et équitable de M. Javaid Rehman dans sa mission de rapporteur spécial de la situation des droits de l’homme en Iran à l’ONU. Il a su examiner chaque fait à la loupe sous toutes ses coutures pour être sûr de sa validité.
Et j’ajouterai qu’au cours des six années de son mandat, nous ne nous sommes pas rencontrés une seule fois.
Le temps est venu de mettre fin au silence et à l’inaction devant la tragédie des violations des droits humains en Iran.
Il revient aux Etats et à l’ONU de mettre à leur ordre du jour de continuer les enquêtes criminelles, de lancer des mandats d’arrêt et de poursuivre les dirigeants du régime des mollahs pour crimes d’atrocité.
Il est nécessaire de présenter les mécanismes pour demander des comptes et mettre fin à l’impunité des dirigeants du régime des mollahs.
Face à ce régime d’exécutions et de massacres, ici-même, je lance à nouveau un appel général à étendre la campagne de « Non aux exécutions » en Iran. Je demande à tous les participants à cette conférence et à tous les défenseurs des droits humains de participer activement à la campagne « non aux exécutions »
Comme vous le savez, cela fait 30 semaines que chaque mardi, les prisonniers politiques dans un grand nombre de prisons de Khamenei à travers l’Iran, protestent avec une grève de la faim contre les exécutions. Ils et elles méritent notre admiration.
Oui, la lutte pour le renversement du régime des mollahs est un droit du peuple iranien : de la résistance et les protestations des infirmières, des travailleurs, des retraités et des enseignants qui crient haut et fort chaque jour contre l’injustice du régime, jusqu’aux jeunes filles et femmes opprimées qui, sous les balles des pasdarans, se retrouvent handicapées en perdant la vue ou un membre de leur corps.
Il revient à tous les Etats et aux organismes internationaux de reconnaitre le droit du peuple iranien de renverser le régime des mollahs.
La résistance iranienne veut restaurer les droits humains
Le professeur Kazem Radjavi, célèbre militant des droits humains assassiné près de Genève par des terroristes du régime, avait dit : « Nous écrivons l’histoire des droits de l’homme avec notre sang. »
Oui, la lutte pour les droits humains est inscrite dans notre cause. La société que nous recherchons est fondée sur la restauration des droits humains.
Notre résistance brandit depuis de nombreuses années l’étendard de l’abolition de la peine de mort.
Nous nous battons pour un Iran sans torture ni répression, sans injustice ni inégalités. Nous nous battons pour une république démocratique fondée sur la séparation de la religion et de l’Etat avec un appareil judiciaire indépendant basé sur la présomption d’innocence, le droit à la défense, le droit à un procès public, à la totale indépendance des juges et à l’abolition de la charia des mollahs. Notre voie est la tolérance et l’humanité.
Notre volonté et celle des femmes et des jeunes de ce pays, est de nous soulever et de lutter jusqu’au bout pour la liberté
- Étiquettes : 30.000 prisonniers, Droit de l’homme, régime Iranian, Résistance