La lutte contre la tyrannie religieuse en Iran et la mission de toutes les femmes dans cette lutte
Discours de Maryam Radjavi à la table ronde « les femmes au leadership, l’expérience de la résistance iranienne » pour la Journée internationale des femmes
Mesdames et Messieurs,
Chères soeurs,
La lutte des femmes iraniennes pour la liberté et l’égalité dure depuis un siècle et demi. Les historiens iraniens et occidentaux qui ont étudié les événements de ces 150 dernières années en Iran, attestent clairement de ce fait.
Durant toute cette période, des femmes d’avant-garde se sont levées malgré la culture en vigueur, les tyrannies politiques et la misogynie. Elles ont fait la démonstration de leur compétence dans divers domaines. Ce phénomène s’est démontré de manière significative à travers leur présence courageuse sur le terrain de la lutte contre la dictature. La lutte des femmes est l’indicateur le plus élevé et le plus complet du progrès d’une société. Comment mesurer l’’avancée du développement et les progrès véritables dans une société ? Avec le degré d’efforts déployés en faveur de la liberté et de l’égalité. Sans égalité, tout progrès politique, économique et social s’avère tout d’abord inefficace, passager et réversible.
De ce point de vue, les révoltes qui ont conduit au renversement de la dictature du chah en 1979 ont marqué un bond en avant en Iran avec la participation remarquable et étendue des femmes dans les manifestations de rue. Ce nouveau phénomène montrait l’immense aspiration au progrès de la société iranienne. En même temps cela traduisait une contradiction douloureuse :
D’un côté le pouvoir politique a rapidement adopté une politique régressive et tyrannique causant un terrible retour en arrière. D’un autre côté la société iranienne appelait largement à la liberté et la démocratie et cherchait à réaliser des progrès sociaux et à avancer.
Cette contradiction a immédiatement produit un conflit déterminant et la barbarie et la sauvagerie du nouveau régime ont plongé la révolution iranienne dans un bain de sang.
Les femmes dans la Résistance iranienne
Dans le face à face avec le régime du guide suprême, la participation active des femmes a été un bouleversement majeur qui a posé les fondements de la résistance.
La participation des femmes dans cette lutte a été étendue dès le départ en termes quantitatif, et extrêmement combattante, efficace et dévouée en termes qualitatifs.
Des dizaines de milliers de femmes ont été torturées et exécutées, Dans la lutte contre ce régime intégriste, en particulier dans les années 1980. Si les femmes n’avaient pas eu de motivation puissante et si elles n’avaient pas espéré en un avenir plein de promesses, elles auraient certainement abandonné face aux tortures et aux tueries d’une rare cruauté dans le monde contemporain. Or cette répression les a rendues encore plus déterminées.
Dans les événements qui ont suivi la révolution iranienne, le rôle des femmes s’est rapidement développé. Elles sont devenues la force axiale du mouvement et de la lutte.
Aujourd’hui, les femmes occupent la plupart des positions clés et directrices du mouvement de la résistance, et forment plus de 50% des membres du parlement en exil de la Résistance.
On peut résumer en quelques points ce que les femmes ont accompli dans la résistance iranienne :
1- Dans ce mouvement, la lutte des femmes pour l’égalité est intrinsèquement liée à la lutte pour la liberté en Iran. Par conséquent, elle vise la tyrannie religieuse et se bat contre ses contraintes, sa misogynie et ses discriminations inhumaines.
2- Elles ont mené une lutte fondamentale contre la conceptualisation des femmes en objet tout en s’opposant à l’idéologie sexiste qui est le principe central de l’inégalité.
3- Ces femmes se sont données pour mission de guider le mouvement tout en découvrant puis en appliquant dans la pratique le fait que l’hégémonie des femmes inscrite dans la persévérance est une force libératrice et un propulseur.
4- Les femmes d’avant-garde ont lié leur lutte aux efforts des hommes résistants et défenseurs de l’égalité dans ce mouvement. Elles ont considéré comme une partie importante de leur responsabilité de soutenir les hommes de ce mouvement dans la lutte contre l’inégalité ainsi que les conceptions et la culture patriarcale.
L’émergence de l’intégrisme islamiste
Les femmes en Iran ont acquis au fil de leur lutte une expérience inestimable. Cette expérience, c’est la lutte contre la dictature religieuse, elle-même source de l’intégrisme islamiste.
Un bref examen de l’histoire des origines de l’intégrisme et de l’essence de sa nature permet d’apporter une meilleure explication. A la fin du 18e siècle et au début du 19e, une région comprenant la plupart des pays musulmans – allant de l’Afrique du Nord jusqu’à l’océan indien en passant par l’Orient, a été influencée par de grands bouleversements politiques, sociaux et technologiques du monde. Les nations se sont lancées dans la lutte pour changer leur destin, la lutte pour la liberté, l’indépendance, la souveraineté populaire et le progrès économique et social.
Dans ce contexte, plusieurs facteurs destructeurs ont préparé le terrain à l’émergence de l’intégrisme islamiste. Certes, l’ignorance et le retard en sont un.
Mais par-delà, il faut évoquer l’ingérence et les erreurs des gouvernements occidentaux dans ces pays avec des conséquences épouvantables, comme l’occupation des territoires, l’exode des peuples et la destruction des structures nationales, qui ont créé un rejet profond des pays occidentaux.
C’est une réalité que nombre de penseurs et de politiciens en occident reconnaissent aujourd’hui. Dans leur soutien aux régimes despotiques, les pays occidentaux ont entrainé la destruction de la classe moyenne, un développement économique et social chaotique et l’élimination des partis nationalistes et des mouvements de libération.
L’influence déterminante du régime iranien
L’arrivée au pouvoir de Khomeiny et de ses acolytes dans des conditions historiques exceptionnelles, est un moment où l’intégrisme islamiste est venu au monde, au sens propre du terme : c’est-à-dire qu’une force effroyablement assoiffée de pouvoir, totalement misogyne et fondée sur la discrimination religieuse imposant ses lois réactionnaires pour instaurer une tyrannie religieuse, a forgé un modèle de gouvernance pour les groupes intégristes.
En fait, les dictatures comme celles de l’ancien régime iranien, étaient si faibles et décomposées qu’elles ne pouvaient résister à une vague de désir de liberté, spécialement face à la force des femmes et des jeunes.
Aussi ce sont les intégristes islamistes qui se sont chargés de la réprimer.
La nature de l’intégrisme
Contre quoi l’intégrisme islamiste s’oppose-t-il dans sa nature ? Est-ce que, comme le disent certains, il y a le camp du monde musulman contre celui de l’occident et principalement un face-à-face de l’islam contre le christianisme et le judaïsme ?
Non, en réalité, le cœur du conflit ne se situe pas entre l’islam et le christianisme, ni entre l’islam et l’occident, ni entre les chiites et les sunnites. Le cœur du conflit se situe entre la liberté et la servitude, entre l’égalité et l’oppression doublée d’injustice.
L’intégrisme s’oppose principalement au vaste désir de liberté, de démocratie et d’égalité des peuples de la région, notamment des femmes et des jeunes.
L’hostilité envers les femmes
A partir de là, on peut comprendre pourquoi l’intégrisme voue plus que tout une haine aux femmes. Parce qu’une vague immense de désir de liberté et d’égalité s’était levée avec en son cœur, l’émancipation des femmes.
La révolution de 1979 en Iran a attiré sur le terrain les femmes en tant que force nouvelle au rôle surprenant.
C’est pourquoi dans les événements qui ont suivi, le rôle des femmes s’est développé à grande vitesse pour devenir l’axe du mouvement et de la lutte : en première ligne de la résistance à la torture, en première ligne de la révolte de 2009, en première ligne des commandantes de l’armée de libération nationale iranienne.
L’intégrisme islamiste, lui aussi, a fait de l’hostilité envers les femmes son axe central et a fait de la répression des femmes le canal général de la répression de la société.
Pourquoi les mollahs à la fin du XXe siècle ont-ils eu besoin de déterrer des lois remontant à des millénaires ?
Pourquoi sous couvert de l’islam se livrent-ils aux crimes les plus inconcevables ?
Parce qu’ils se sont retrouvés face à un désir immense qu’ils ne pouvaient écraser qu’avec une férocité sans nom.
Le régime iranien a jeté les bases de la plupart des crimes et des sauvageries que des individus ou des groupes islamistes ont ensuite copiés en partie ; ou encore qui sont entrés en petit nombre dans les lois de pays musulmans.
La résistance iranienne et les femmes d’avant-garde n’ont pas lancé une lutte contre un régime qui est uniquement l’ennemi du peuple iranien mais contre un régime qui constitue la menace principale de tout le Moyen-Orient.
Nous avons averti il y a plus de trente ans que l’intégrisme est une menace mondiale.
Ces 15 dernières années, cette menace est apparue sous la forme du terrorisme et de la guerre au Moyen-Orient. Aujourd’hui nous voyons que les capitales européennes ne sont plus à l’abri des crimes terroristes.
Le résultat que je voudrais souligner, c’est qu’il est nécessaire pour le monde entier de s’opposer à ce phénomène. Les mollahs en Iran et les intégristes sous leur direction, ne sont pas seulement les ennemis du peuple iranien, mais aussi des peuples de la région et du monde entier. En ce qui concerne les femmes, les intégristes mettent en danger leurs acquis et en font la cible de leurs attaques.
Par conséquent s’opposer à ce régime est un objectif urgent de la lutte des femmes dans le monde entier.
La solidarité des femmes dans le monde nécessite qu’elles apportent leur soutien à la lutte contre ce régime.
Je vous remercie.
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