Maryam Radjavi : le leadership des femmes et une génération d’hommes pour l’égalité et l’émancipation- A l’occasion de la Journée internationale des femmes2017
A l’occasion de la Journée internationale des femmes, une conférence sous le titre « les femmes à la direction politique » s’est tenue en Albanie en présence de Maryam Radjavi et des personnalités politiques et des militantes du mouvement d’égalité des divers pays.
Les interventions ont porté sur la menace de la dictature intégristes et misogyne des mollahs en Iran ainsi que sur la résistance des femmes iraniennes et le rôle d’avant-garde des femmes d’Achraf.
Maryam Radjavi a tenu les propos suivants lors de son intervention à cette occasion:
Mes très chères sœurs,
A l’occasion de la Journée internationale des femms, j’adresse mes félicitations aux femmes qui à travers l’Iran sont ardemment en quête de liberté et d’égalité, aux femmes courageuses qui résistent dans les prisons politiques, aux femmes et aux hommes démocrates du mouvement de l’égalité. Et je vous salue à vous ainsi que les dizaines de milliers de femmes inflexibles qui ont été torturées et tuées dans la lutte contre le régime du guide suprême.
Je me réjouis de la présence de nos invitées éminentes Mme Jebria, Mme Ingrid Betancourt, Mme Linda Chavez, Mme Najima Thay Thay, Mme Iveta Radicova, Mme Valentina Leskaj, Mme Sekai Masikana Holland et toutes les autres invitées qui nous sont chères. Vous êtes les bienvenues.
Je suis heureuse que cette année nous célébrions la Journée internationale des femmes en présence d’un groupe des mille femmes d’avant-garde d’Achraf dont la défense, ces dernières années, face aux attaques du régime des mollahs, a constitué une partie des efforts et de la lutte de nos sœurs à travers le monde.
Le transfert hors d’Irak des Moudjahidine du peuple de Liberty, en toute sécurité, collectivement et sous la forme d’une organisation, a infligé une lourde défaite au régime du guide suprême. Comme il l’avait montré par ses bombardements intensifs, ce dernier voulait anéantir la force axiale de son alternative. Mais il a échoué. C’est pourquoi, je tiens à exprimer ma reconnaissance au peuple et au gouvernement d’Albanie pour leur grande initiative qui a permis de faire de l’Albanie un modèle pour la liberté et l’humanité dans le monde aujourd’hui.
Je dois aussi remercier sincèrement les femmes éminentes et de grande valeur dans le monde, dont certaines sont ici aujourd’hui, pour l’aide et le soutien précieux qu’elles ont apportés aux Achrafiennes. La solidarité avec un millier de femmes d’avant-garde d’Achraf ces dernières années a été un des projets les plus brillants et les plus efficaces des femmes et l’un des mouvements les plus glorieux de solidarité dans le monde. Je salue toutes mes chères sœurs qui ont participé à cette campagne de solidarité. Je leur demande d’étendre leurs efforts en soutien à la lutte des femmes iraniennes pour l’instauration de la liberté et de l’égalité.
Mesdames et Messieurs,
Aux yeux des peuples du monde, le régime iranien est surtout connu pour son exportation du terrorisme, de la guerre et de l’intégrisme et pour sa quête de la bombe atomique. Par conséquent, deux réalités majeures passent inaperçues :
– En premier lieu, parallèlement à l’exportation du terrorisme et de l’intégrisme dans la région, ce régime y est aussi le premier promoteur de la misogynie. C’est pourquoi il faut voir en lui la menace la plus dangereuse pour les acquis des femmes dans le monde d’aujourd’hui.
– En second lieu, les femmes résistantes d’Iran ont joué et jouent un rôle déterminant dans la lutte contre l’intégrisme au pouvoir. Le fait que les femmes soient les cibles privilégiées de la répression en Iran montre que les mollahs tentent de se défendre face à une menace existentielle.
Le voile obligatoire et les discriminations flagrantes contre les femmes dans tous les domaines d’éducation et de la vie professionnelle visent à enchainer les femmes et à bloquer leur avancée. Sinon les mollahs ne pourraient pas préserver leur pouvoir. Et ce seront ces femmes et la volonté générale du peuple qui les renverseront.
A l’opposé, les femmes ont démontré leur rôle efficace dans la lutte contre la tyrannie religieuse. A titre d’exemple :
o Dans la lutte contre les pasdaran.
o Par une résistance exceptionnelle dans les salles de torture et les prisons du régime.
o En première ligne des manifestations et des révoltes.
o Dans l’organisation des manifestations des enseignants, des ouvriers et des autres couches sociales.
o Dans l’organisation et la direction du mouvement politique et social contre le fascisme religieux
o Et dans les prises de responsabilité actives dans le mouvement organisé de la Résistance iranienne.
Ce que je voudrais dire c’est que pendant des décennies, le but de la lutte des femmes et le sujet de la Journée internationale des femmes a été l’élimination de l’inégalité et des violences qui leur sont faites. Aujourd’hui, cependant, les femmes ont une mission qui va au-delà, et c’est de sauver le monde de l’intégrisme et du terrorisme.
A ce propos, permettez-moi de vous parler d’une expérience spécifique au mouvement de la Résistance iranienne.
Dans les années 1990, les femmes sont arrivées à la direction à divers échelons de la Résistance ce qui a entrainé un changement dans l’organisation du travail de notre mouvement. Elles ont emprunté une voie dans laquelle il n’existait aucun exemple à suivre. Aussi ont-elles décidé d’écarter tout ce qui reflétait l’inégalité, tout ce qui ignorait les femmes et qui faisait obstacle à leur participation collective pour instaurer à la place des relations nouvelles.
Elles ont cru en elles-mêmes et en leurs capacités, elles ont réussi à vaincre le monstre de l’incrédulité qui était leur grand obstacle et à se libérer des chaines qui consistent à se concevoir comme une marchandise. Au lieu d’être passives et de fuir les responsabilités, elles ont endossé des responsabilités et ont pris leurs distances avec la peur de l’échec et la faiblesse face aux difficultés. Elles ont fait preuve d’amitié et de sororité dans leurs relations.
Dans les années 2000, pendant l’occupation de l’Irak par les Etats-Unis et ensuite par le régime iranien, la situation est devenue très difficile pour notre mouvement. A la suite de quoi, le pouvoir iranien aidé par le gouvernement irakien à sa solde, a assiégé la cité d’Achraf et lancé une guerre sans pitié pour éliminer les Moudjahidine du peuple. En même temps, profitant de la politique de complaisance des gouvernements occidentaux, la tyrannie religieuse a attaqué de tous les côtés la résistance dans l’espoir de la balayer.
Dans ces conditions extrêmes, le leadership des femmes a été de nouveau mis à l’épreuve. La question principale est de savoir comment elles ont réussi à se débarrasser des habitudes passées, à changer une culture millénaire et à avancer malgré tout ? En réalité, la direction des femmes dans notre mouvement n’a pas consisté à un échange de place des femmes avec les hommes à la direction.
La présence des femmes à divers échelons de la direction et de la gestion a certes été un pas en avant. Mais si ça n’avait pas été accompagné par une révolution fondamentale dans la culture et dans les relations hommes et femmes, et si cela n’avait pas instauré l’égalité et la solidarité, ces acquis auraient été réversibles.
Et c’est exactement là où se trouve le message original de notre résistance. Le leadership des femmes ne peut se mettre en place sous la forme d’une institution durable qu’en étant nécessairement accompagné par des hommes convaincus d’égalité et qui acceptent des responsabilités dans ce domaine.
Sans la présence d’hommes chérissant la cause de l’égalité et se battant pour l’instaurer, la direction des femmes ne pourrait véritablement exister. L’expérience du leadership des femmes dans notre mouvement est devenue possible grâce au rôle de pionniers des hommes dans ce monde nouveau.
Aussi je dis à mes frères : le chemin que vous avez parcouru ces trente dernières années est une source d’honneur, non seulement pour nous mais aussi pour notre nation et pour le monde qui a soif d’égalité et de fraternité.
Oui ces hommes libérés ont généré de nouvelles relations de groupe. Ils ont défendu partout avec motivation la cause de l’égalité et ont fait la démonstration du leadership des femmes.
Ils ont créé de nouvelles valeurs fondées sur l’honnêteté et la franchise, le dévouement et en faisant des autres une priorité. Ils ont rejeté la conception marchande des femmes. Et à la lumière de ces relations, ils ont instauré une solidarité encore plus forte entre eux.
Ainsi donc, la participation égale des femmes à la direction n’aurait pu se faire sans l’émancipation des hommes. Comment peut-on imaginer que la moitié d’une communauté se libère des entraves, des contraintes et de l’exploitation tandis que l’autre moitié reste enchainée dans ces ténèbres.
L’expérience de notre mouvement a démontré que l’accès à la direction a donné aux femmes d’une part un nouveau statut de responsabilités et d’égalité, et d’autre part quand les hommes acceptent le leadership des femmes, ils rendent possible un mécanisme libérateur. Le résultat menant à l’égalité et à l’amélioration des relations. A savoir que sous leur influence, les relations fraternelles, les relations entre sœurs et la solidarité ont atteints de nouveaux niveaux.
Cela signifie que les relations des hommes et des femmes se sont libérées de la compétition négative, de la jalousie et de l’étroitesse d’esprit. Dans ces conditions, chaque personne voit dans le progrès des autres, non pas un obstacle pour soi mais une possibilité nouvelle pour sa propre progression. Oui, dans le monde de l’émancipation et de la liberté, l’avancée des femmes et des hommes ne se fait pas l’un contre l’autre, mais sont nécessaires l’un à l’autre et se complètent.
En réalité, les hommes de ce mouvement portent un message de libération pour la société iranienne. Ce message est un appel à tous nos fils, nos frères et nos pères en Iran qui se sont dressés dans la défense de la liberté et de l’égalité. Leur message libérateur est le chainon manquant du monde d’aujourd’hui, à savoir la fraternité.
Ainsi, le leadership des femmes dans le mouvement de la résistance manifeste une révolution qui a créé de nouvelles relations fondées sur l’égalité authentique.
Je tiens à souligner que cette égalité n’est pas renfermée dans l’égalité en matière de droit, de politique ou d’opportunités, mais qu’elle nécessite une amélioration de la solidarité humaine où les femmes prennent leur destin en main et où les hommes qui ont foi dans l’égalité ont développé une personnalité productive, créatrice et active.
Ces nouvelles relations libérées de nombreuses entraves, au sein d’un mouvement assiégé, ont fait naitre une immense force qui a engendré à son tour une persévérance glorieuse.
Par conséquent, vous les Moudjahidines du peuple, face à neuf attaques et massacres et deux prises d’otages, face à 677 jours de torture blanche et huit années de blocus inhumain, vous avez réussi à maintenir en place un bastion de la liberté et de l’égalité durant de longues années.
Sur la scène internationale également, vous avez réussi à sortir l’OMPI des listes noires européennes et américaines, où elle avait été inscrite à la demande du régime, et à remporter plus de 20 procès en justice prouvant la légitimité de cette résistance.
Ainsi donc, le résultat majeur des événements de toutes ces années c’est que l’endurance d’Achraf et de Liberty en tant que bastion de la liberté a été rendue possible grâce à des hommes et des femmes tels que vous. De même, cela a permis l’avancée de la résistance dans tous les domaines, politiques, juridiques et sur la scène internationale. Et c’est l’expérience brillante de ce que peuvent accomplir des relations fondées sur l’égalité. C’est le phénomène d’un millier de femmes d’avant-garde et d’une génération d’hommes partisans d’émancipation et d’égalité.
Ainsi, ceux qui disent que le 21e siècle est le siècle des femmes, disent vrai. Mais il faut rappeler que le leadership des femmes est authentique quand il oriente les relations humaines vers l’égalité authentique des femmes et des hommes et l’engagement d’un grand nombre d’hommes partisans de l’égalité.
Un régime qui s’appuie sur l’inégalité marginalise les femmes. Un régime qui élimine la participation d’une immense partie de la population dans les affaires du pays aboutit à la tyrannie, au totalitarisme, au monopole du pouvoir, à des décisions secrètes, au gaspillage des ressources du pays, à la corruption et à la répression.
La solution à la crise qui assaille le monde aujourd’hui est le leadership des femmes. Là où la démocratie est absente, on ne peut y arriver sans la participation égale des femmes au leadership.
En 2011, dans un message aux femmes et aux hommes d’Achraf, Danielle Mitterrand écrivait : « Préparer l’avenir, chers et tendres amis d’Achraf, c’est le prix de votre sacrifice mais ce n’est pas le seul : il faut compter aussi avec l’exemple que vous donnez à tous les opprimés, et le message d’espoir écrit avec votre sang que vous adressez à l’humanité. »
De son côté, la célèbre anthropologue française Françoise Héritier a également évoqué l’an dernier le fruit donné par les femmes à Achraf et Liberty en disant : « si ça marche, c’est un exemple pour le reste de l’humanité. Donc ça veut dire aussi comme message aux femmes : de ne pas obéir, à ce réflexe qui est inculqué dès l’enfance, de dire : « ah ! Mais non, jamais je n’y arriverai, ça c’est du domaine des hommes, non je préfère le leur laisser » etc… Il faut accepter de se lancer hardiment dans l’entreprise. Et c’est cette hardiesse que je recommanderai aux femmes d’aujourd’hui (…) »
Oui, tout le problème est là, il faut hardiment se lancer et c’est ce que les femmes d’Achraf ont fait.
Je salue les grandes femmes d’Achraf qui ont sacrifié leur vie dans cette glorieuse persévérance, de Saba à Assieh, de Zohreh à Guiti jusqu’aux dernières, Kolthoum, Pouran et Nayereh, et toutes les autres. Elles ont brandi un drapeau qui avait été brandi avant elles par une longue file de femmes héroïques. Des femmes d’avant-garde comme Achraf Radjavi, Fatemeh Amini, Marzieh Oskouï, et Azam Rouhi-Ahangar, jusqu’à Nosrat Ramezani, Azadeh Tabib, Tahereh Tolou, Mahine Rezaï, Nasrine Parsian et Batoul Rajabi et toute une multitude de femmes combattantes qui ont donné leur vie dans la voie de la liberté du peuple d’Iran.
Chers amies,
Nous insistons sur l’égalité des femmes et des hommes et nous estimons que c’est une condition impérative pour renverser la tyrannie religieuse et garantir la démocratie dans l’Iran de demain. L’égalité devant la loi, l’égalité dans la famille, l’égalité des chances en matière économique et la participation active et égale à la direction politique.
Nous nous nous sommes dressés pour la liberté et le libre-choix des femmes, notamment le droit de choisir leurs vêtements, leur profession et le droit de divorcer.
Le régime en Iran est un facteur de retard et de décadence de la société iranienne et de toute la région.
Il est le facteur principal de la religion obligatoire, la source de divisions entre chiites et sunnites et le partisan de la lapidation et de lois inhumaines sous prétexte d’appliquer les lois de l’islam.
Demandez aux peuples du Moyen-Orient qui est leur ennemi principal qui en veut à leur existence ? Demandez au peuple syrien quel est le régime qui a le plus aidé Bachar Assad dans le massacre d’un demi-million des siens ?
Demandez aux femmes syriennes quelle force cruelle a poussé des millions et des millions de femmes sur les routes de l’exode ? Quel régime, avec les pasdarans et des mercenaires étrangers a réduit Alep en cendres et a tué tellement d’enfants innocents ?
Nous voyons que les agents et les envoyés des mollahs propagent l’intégrisme jusque dans les Balkans pour y préparer le terrain au terrorisme.
Tous ces malheurs et ces calamités sont engendrés par la tyrannie religieuse en Iran.
Des femmes en Iran brûlant aujourd’hui dans les flammes de la répression, de multiples contraintes, de la misère et des privations, jusqu’aux femmes syriennes et irakiennes happées par l’exode, toutes font face au même ennemi et mènent par conséquent une lutte collective qui est de renverser ce régime.
Le changement en Iran – et aujourd’hui je dirais dans le monde entier – se fera avec les femmes à l’avant-garde.
Et pour finir, je m’adresse à vous, femmes et hommes libres d’Iran : la liberté se gagne à coups de sacrifices et en payant le prix. En osant se révolter contre la répression et l’humiliation. En résistant avec espoir et témérité. Et avec une lutte incessante, en bâtissant un millier d’Achraf et un millier de foyers de rébellion pour aviver la lutte.
Oui, on peut et on doit renverser le régime du Guide suprême, on peut et on doit faire venir la liberté en Iran et instaurer une république fondée sur la liberté et l’égalité. C’est une épreuve et une responsabilité pour chacun et chacune d’entre nous. Alors levons-nous et avançons une nouvelle conception.
Je vous remercie !