Maryam Radjavi : l’avancée des femmes de la Résistance vient d’une bataille contre les idées réactionnaires
Discours à la conférence internationale sur les femmes d’avant-garde de la Résistance iranienne à la cité d’Achraf 3
Je vous salue chères sœurs d’Albanie et de nombreux pays d’Europe, d’Amérique, du Canada, d’Australie, d’Asie et de pays arabes venues à cette conférence. Je salue également mes chères sœurs, membres de la grande famille de la Résistance. Bienvenues à Achraf 3.
Je salue aussi mes sœurs, membres du Conseil central de l’organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI) qui sont pour la plupart dans cette salle.
Ce genre de réunion en général se passe pour la Journée internationale des femmes, mais partout où les femmes se rassemblent pour parler de leur mission pour la liberté et l’égalité et pour la libération de la société, ce jour-là est la Journée des femmes.
Cette réalité vaut particulièrement pour les femmes iraniennes, car elles résistent face à un régime réactionnaire et intégriste dont la misogynie est la première caractéristique.
Avant la mise en place de régime, les femmes avaient participé à une grande échelle au soulèvement en Iran. Cela traduisait l’élan pris par la place des femmes et leur rôle dans la lutte. La présence massive des femmes dans la révolution antimonarchiste bénéficiait de précédents historiques et de terrains de lutte importants.
En particulier, dans les années 1970, les femmes ont activement pris part à la lutte révolutionnaire contre le chah. Des femmes d’avant-garde comme Fatemeh Amini, Marzieh Oskoui, Azam Rouhi-Ahangaran et Achraf Radjavi figurent au nombre des femmes éminentes de cette lutte qui ont ouvert la voie de la révolution au prix de très nombreux sacrifices.
Mais le régime qui s’est ensuite installé est une dictature religieuse misogyne. Quand il est arrivé au pouvoir en 1979, ce fut comme un barrage dressé face au torrent impétueux de l’avancée des femmes en Iran. J’ai de nombreux souvenirs de ces jours et de ces moments. C’était comme si deux forces ennemies se faisaient face sur le champ de bataille. L’hostilité des mollahs vis-à-vis des femmes, et le dégout et la méfiance des femmes vis-à-vis de ce nouveau régime ont commencé dès le lendemain de l’arrivée de Khomeiny. C’est-à-dire que dès que les mollahs ont volé la révolution et se sont emparés du pouvoir, ils ont commencé la répression des femmes avec le slogan « le voile ou un coup sur la tête ». C’est ainsi que la résistance des femmes face à ce régime a commencé et qu’elle continue à ce jour.
Il serait bon d’examiner brièvement le statut des femmes iraniennes dans quelques domaines. Sur le plan de la participation politique, je dois dire que dans le pouvoir en place et les centres de prises de décisions dans l’ensemble de la hiérarchie de ce régime, les femmes ne jouent aucun rôle.
Un autre sujet consiste à priver les femmes des libertés individuelles et sociales et de leur droit de libre choix dans le domaine du voyage, du mariage et de la vie privée, dans la vie professionnelle et plus encore, du droit de choisir librement leurs vêtements.
Un autre problème est l’instauration par le régime des mollahs de l’inégalité et de terribles discriminations contre les femmes. L’inégalité criante dans l’accès à l’emploi, les salaires, la famille, les études, le témoignage au tribunal, le recours aux services sociaux et aux assurances, la part d’héritage, le sport et une liste exhaustive dans tous les domaines.
Ces discriminations ont existé dans n’importe quelle société et à n’importe quelle époque dans le but d’enchainer la population, la réprimer, la piller et lui confisquer ses droits politiques.
Un autre point est la violence et l’insécurité courantes contre les femmes. Nulle part en Iran les femmes ne se sentent en sécurité. Ni dans les lieux de travail, ni dans la rue, ni même dans le milieu familial. Avec une multitude de patrouilles, d’agents de sécurité et de forces spéciales qui ont pour tâche uniquement d’humilier les femmes ou de les arrêter, le régime pratique cette répression au quotidien.
Dans les prisons, les femmes sont couramment victimes de traitements inhumains. Depuis le début du mandat présidentiel de Rohani jusqu’à ce jour, 90 femmes ont été exécutées.
Mais en regardant en profondeur le comportement des mollahs contre les femmes, on voit que cette misogynie est la source de la politique de répression de toute la société.
Je dois aussi parler de la propagation de la misère et des privations dont la plupart des victimes sont des femmes.
Plus de 62 % des femmes et des filles âgées de plus de 10 ans sont reléguées au foyer. Celles qui ont décroché des emplois, sont la main-d’œuvre la moins chère au monde. Les femmes constituent la moitié des ouvriers des briqueteries.
La moyenne de la participation économique urbaines des femmes au Moyen-Orient est de 22% mais elle est de 12% dans les villes d’Iran. Cela fait 50 ans que ce chiffre n’a pas bougé. L’Organisation internationale du travail qui a analysé la situation dans 200 pays, a montré que l’Iran se classait parmi les six pays de queue, c’est-à-dire parmi les pays ravagés par la guerre comme la Syrie et l’Irak.
Peut-être avez-vous entendu les lobbies du régime dire que si les mollahs étaient renversés, l’Iran connaitrait le chaos et des catastrophes. Or au moment où je vous parle, sous le régime des mollahs, les femmes en Iran sont dans la situation des femmes des pays en guerre, voire pire en termes de pauvreté, de chômage et d’errance sans abri.
Regardez le salaire de misère des jeunes ouvrières qui les plongent dans une situation douloureuse. Des jeunes filles avec une licence ou une maitrise ont un emploi payé entre 10 et 20 dollars par mois. En réalité, sur le marché du travail en Iran, non seulement les femmes constituent une main d’œuvre bon marché, mais elles sont aussi victimes d’une terrible exploitation.
A nos yeux, la réponse commune à toutes ces agressions, c’est la liberté et l’égalité. Pas l’égalité seulement et pas la liberté seulement. Mais bien la liberté ET l’égalité. C’est la réponse à l’émancipation des femmes. C’est pour cela que j’ai toujours insisté sur le fait que non seulement les femmes sont leurs propres libératrices mais elles sont aussi les libératrices de leur société. C’est une mission qui nous revient et nous sommes déterminées à la mener à bien.
Mes chères sœurs,
Il y a quelques minutes, j’ai parlé de la présence massive des femmes dans la lutte contre deux dictatures. Dès le début de la tyrannie religieuse, les femmes ont été en première ligne de la bataille et plus important encore, elles ont été à l’avant-garde en éclaireuses.
A cette époque, pour pouvoir participer à la lutte, les femmes ont été confrontées à deux fois plus de difficultés que les hommes, surtout pour les jeunes filles musulmanes. Car avant les Moudjahidine du peuple d’Iran, il n’existait pas de mouvement avec des femmes musulmanes dans la lutte contre la dictature. C’est l’OMPI qui a brisé ce tabou.
Ensuite, une des particularités surprenantes de l’OMPI sous la direction de Massoud Radjavi a été de faire entrer les femmes musulmanes à une grande échelle sociale dans la lutte contre Khomeiny, qui était un chef religieux, et contre les réactionnaires et les intégristes dans l’ensemble de l’Iran. Elles aspiraient à la liberté, à l’égalité et à l’islam démocratique, mais chaque jour le régime déployait contre elles davantage de pressions, de répression et d’interdictions.
Certes, l’histoire de ces quarante années contre la dictature religieuse se distingue par le rôle d’avant-garde des femmes des Moudjahidines du peuple.
Ces derniers jours, vous avez visité une exposition qui regroupe des épisodes de l’histoire de la Résistance du peuple iranien durant ces quarante années. L’exposition rappelle le chemin sanglant parcouru par les femmes de la Résistance. Vous avez vu les images des cages où étaient enfermées les prisonnières. Certaines de celles qui ont passé de longues périodes dans ces cages sont assises ici à vos côtés. Vous avez vu des images des quartiers résidentiels où les prisonnières étaient persécutées de manière sadique 24h/24. Vous voyez ici des femmes qui ont survécu au massacre de l’été 1988 et des femmes qui ont traversé ces terribles épreuves et qui poursuivent leur lutte la tête haute.
A propos des combats que ces femmes ont livrés dans prisons des mollahs et à propos de certaines des dizaines de milliers de femmes qui ont été torturées ou exécutées ces quarante dernières années, de Fatemeh Mesbah âgée de 13 ans jusqu’à Mme Zakeri qui en avait 70, de nombreux livres ont été écrits. Cependant, en vérité l’histoire de la résistance de ces femmes n’a pas encore été révélée.
Elles ont supporté de terribles tortures, elles ont résisté à la bestialité des interrogateurs et des pasdaran, résisté pour préserver leur groupe, leur moral collectif et leur combattivité dans les prisons de femmes. De même, elles se sont démenées pour se reconnecter à l’OMPI et ont déployé maints efforts pour créer de nouvelles unités de résistance. Tout ceci est une épopée de la persévérance des femmes.
Le mérite de ces femmes se montre aussi sur le champ de bataille pour la liberté. Les difficultés propres à la présence des femmes dans les rangs d’une armée pour lutter contre un ennemi, font partie d’un autre chapitre ; comment les unités de combattantes se sont formées, ont mené leur formation et leur entrainement et comment elles ont appris à commander. Et aussi comment en 14 années de persévérance à Achraf et Liberty, elles se sont battues contre tous les obstacles et n’ont pas cessé de résister.
A présent vous voyez ici un millier de femmes d’avant-garde. Un millier de femmes venant de diverses villes d’Iran, venant des universités d’Amérique du nord, d’Europe et d’Iran. Elles ont tiré un trait sur leurs professions et leurs familles et ont rejoint l’OMPI pour la liberté de leur peuple et de leur patrie. Vous voyez ici trois générations de femmes les unes à côté des autres.
En fait, la plus haute instance directive de ce mouvement est entièrement composée de femmes. C’est le résultat du chemin parcouru par l’OMPI, dès le début sous la direction de Massoud Radjavi, avec la foi dans la liberté et l’égalité.
Il est bon de rappeler que deux mois après l’arrivée au pouvoir de Khomeiny, l’OMPI avait publié dans une déclaration en 15 points de ce qu’elle attendait à l’époque du nouveau pouvoir. Au point six, l’OMPI demandait « la totalité des droits politiques et sociaux des femmes » et soulignait en particulier «des salaires égaux à travail égal » pour les travailleuses.
Quelques mois plus tard, quand Massoud est devenu candidat à l’élection présidentielle, il a présenté un programme en 10 points qui commençait avec la création de conseils pour la participation populaire à l’administration du pays et le septième point était l’égalité des femmes et des hommes.
D’autres points, comme les droits des minorités ethniques, la liberté totale des partis, des opinions, de la presse et entre les chiites et les sunnites, figuraient également dans ce programme qui a été accueilli et soutenu massivement par les femmes, les jeunes, les minorités, les fidèles des diverses religions et la quasi-totalité des groupes et des partis. De telle manière que Khomeiny s’est effrayé et a pris la décision scandaleuse, contraire à sa promesse, de supprimer la candidature de Massoud.
C’est dans ces tensions qu’une génération de jeunes filles et de femmes a trouvé jour après jour une conscience de lutte et a pris part massivement à la bataille contre les réactionnaires et le combat pour la liberté et l’égalité.
Un des moments importants de cette lutte brillante, a été ces filles qui malgré leur jeune âge ont fait preuve de la plus grande résistance face aux pasdaran et aux tortionnaires. On peut citer parmi ces héroïnes, Homeyra Eshragh, Zahra et Kobra Ebrahimian, ainsi que Soraya Abolfathi, dont les noms sont à jamais gravés dans l’histoire de la lutte des femmes.
Avec Massoud et avec leur foi dans la cause de la liberté, elles ont ouvert les yeux sur le monde de la politique et de la lutte et ont été chacune des avant-garde de cette voie. Les jeunes filles qui luttent aujourd’hui dans les unités de résistance poursuivent ce chemin. C’est pourquoi, lorsqu’on parle des membres du Conseil centrale de l’OMPI, en premier lieu, ce sont des femmes qui ont ouvert leur voie dans les prisons et sur les champs de batailles.
En second lieu, elles ont dû ouvrir leur voie contre deux idéologies abominables. L’une contre le sexisme et l’autre contre l’égocentrisme. C’est délibérément que j’ai utilisé des mots négatifs pour bien marquer la différence avec l’épanouissement des qualités humaines de l’individu.
Ces femmes ont endossé de lourdes responsabilités. Dans la défaite comme dans la victoire, dans tous les hauts et les bas, elles ont choisi de ne pas abandonner leurs engagements. La nécessité qui les a poussées à accepter les responsabilités et le leadership a été dictée par la libération de la société. C’est notre responsabilité. Nous devons apporter des réponses aux plus grandes souffrances et aux plus grands défis de notre société.
Les problèmes de la misère et des discriminations, le problème des enfants sans abris, des gens sans abris, des catastrophes écologiques, et plus important que tout, la participation politique et sociale de toutes les composantes de la société, le droit au libre choix et bien-entendu l’émancipation des femmes et des hommes du sexisme, tout ceci relève de notre responsabilité.
Je dois souligner que l’égalité et l’émancipation des femmes n’ont de signification que lorsqu’elles sont accompagnées par l’émancipation des hommes. C’est un acquis de notre mouvement : c’est l’excellence humaine des hommes d’avant-garde qui se sont insurgés contre le sexisme et le patriarcat, qui s’efforcent d’élaborer des relations véritablement égales et qui s’émancipent dans cette voie.
Si notre mouvement n’était pas profondément opposé à l’exploitation, à tous ses mécanismes politiques, sociaux, intellectuels et culturels, les femmes n’auraient pu y acquérir ce statut de manière durable.
L’avancée des femmes dans le mouvement de la Résistance relève avant tout d’une bataille continue contre les conceptions réactionnaires et d’oppression. Il y a dans les idées qui dominent que les femmes sont inférieures et incapables et cela remonte au début de l’histoire de l’humanité.
Mais les femmes de cette Résistance se sont battue contre ces idées et cette lutte continue. Plus elles se débarrassent des conceptions égocentriques et plus elles resserrent leurs liens d’unité entre elles, plus elles parviennent à un stade nouveau de capacités, de sens des responsabilités et continuent de progresser.
Cela veut dire que le chemin de progression d’un individu, passant d’une vie isolée et repliée sur soi, à une vie collective résultant de l’évolution, au plus haut niveau des relations humaines, demande une lutte continue. Dans cette voie, les femmes peuvent et doivent être à l’avant-garde. C’est ici que les femmes iraniennes aujourd’hui sont la réponse pour le renversement de la tyrannie religieuse et qu’elles apporteront demain la paix et la reconstruction.
Heureusement aujourd’hui, le message libérateur de l’OMPI et particulièrement de l’égalité, est très bien accueilli par la jeunesse, filles et garçon, des villes d’Iran. Les unités de résistance qui ces deux dernières années se sont développées, sont profondément influencées par le modèle que les femmes de la Résistance ont créé.
Une jeune de Khorramabad a écrit : « je suis un bourgeon de l’arbre robuste de l’OMPI, je pousse, je suis vivante et je me bats. Je suis Modjahed, donc je suis. »
Et voici des phrases d’une lettre de Mina, membre d’une unité de résistance : « je vois en rêve s’épanouir des fleurs d’espoir et elles me disent : même si la nuit est noire, sois courageuse, l’aube est proche. Mon cœur au cœur de la nuit rêve de devenir un papillon. »
Ces filles et ces garçons éveillés et courageux s’inspirent de quarante années de sacrifice et de persévérance des Moudjahidine du peuple. Pour cette jeunesse, les convictions et la fidélité de l’OMPI à la liberté et l’égalité est un exemple vivant qui leur donne la direction à suivre dans la lutte contre la tyrannie en place.
Je voudrais ici saluer les prisonnières politiques, en particulier mes sœurs combattantes et Modjahed qui résistent dans les prisons de Khamenei un peu partout en Iran. En plus d’être des opposantes à la dictature, elles ont commis le crime impardonnable d’être des femmes insurgées.
Être femme et ne pas se soumettre, être femme et être sur le terrain de la lutte, être femme et au lieu de penser à soi, penser à la libération du peuple enchaîné ; voilà quelque chose qui rend fous les mollahs.
Permettez-moi pour finir de m’adresser à mes sœurs en Iran, en particulier aux jeunes filles éveillées qui n’en peuvent plus des conditions insupportables actuelles.
Aujourd’hui il règne une situation hors norme. Le régime n’a pas de voie de sortie ni devant ni derrière lui. La société est comme un feu qui couve sous la cendre, l’économie est totalement paralysée.
Khamenei et son régime, nuit et jour tourmentent et se déchainent, frappent, tuent et pillent pour que les femmes en Iran capitulent.
Mais la voie que les femmes et les filles éveillées et insurgées veulent suivre en s’inspirant des 1000 femmes d’Achraf, est une lutte libératrice.
C’est un exemple où les regards, les normes, les pensées et les valeurs sexistes n’ont pas de place.
L’exemple d’une femme insurgée où la femme est déterminante, influente et ouvre la voie. Une femme qui considère le destin politique de sa société et de son pays, comme son propre destin ; qui considère que sauver l’Iran de la dictature, de la misère et de l’arriération relève de sa responsabilité ; qui considère que sauver des millions d’enfants qui ont faim et sont sans abris est son propre travail ; qui considère que sauver toutes ces femmes des ténèbres qui ont souillé leur destin de honte et d’humiliation est de leur responsabilité.
C’est de cette manière que les femmes résistantes et insurgées se battent pour la liberté. C’est de cette façon qu’elles font advenir la cause de l’égalité.
Je vous remercie
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