TRIBUNE. La campagne « Non à la peine de mort » en Iran
Hamid Enayat, politologue, spécialiste de l’Iran, collabore avec l’opposition démocratique iranienne (CNRI). Pour La Dépêche, il analyse la vague d’exécutions en Iran et la campagne « Non à la peine de mort » en Iran.
Dans son dernier rapport accablant, le professeur Javaid Rehman, rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme en Iran de juillet 2018 à juillet 2024, a qualifié de génocides deux vagues majeures de massacres perpétrées en Iran : ceux de 1982 et de 1988. Ce terme a été utilisé en raison du fait que la dictature religieuse iranienne a exécuté ses ennemis uniquement pour leurs croyances religieuses et idéologiques, cherchant ainsi à les éradiquer.
Outre ces deux massacres, le rapport met également en lumière d’autres crimes atroces, notamment ceux commis contre des minorités religieuses, comme les bahaïs, la violence sexuelle et les abus contre les femmes, les exécutions d’enfants, les exécutions arbitraires et extrajudiciaires, ainsi que les disparitions forcées de milliers de dissidents politiques.
Nasser Kanaani, porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, a écrit sur sa page X que « Javaid Rehman a, à plusieurs reprises, rendu de nombreux services à l’Organisation des Moudjahidines du Peuple d’Iran (OMPI), et sa collusion évidente avec ce groupe terroriste a été signalée maintes fois aux responsables des Nations Unies. »
Après six années de services remarquables, à la fin de son mandat, Rahman a participé à une conférence à Paris intitulée « 36e anniversaire du massacre de 1988 en Iran : responsabilité pour les crimes atroces », en présence de Maryam Radjavi, dirigeante de la Résistance iranienne, ainsi que de plusieurs avocats, juristes et experts indépendants parmi les plus éminents et renommés.
Selon l’agence de presse Mizan du 27 août 2024, Kazem Gharibabadi, adjoint aux affaires internationales du pouvoir judiciaire et secrétaire du Conseil des droits de l’homme en Iran, a écrit une lettre à Omar Zniber, président du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, et à Volker Turk, haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. Il y affirmait : « Cette réunion a été organisée à l’occasion du prétendu rapport final de Javaid Rehman en tant que rapporteur spécial de l’ONU, un rapport qui n’est en réalité qu’un acte d’accusation rempli de fausses accusations et de mensonges contre la République islamique d’Iran, écrit pour satisfaire les exigences des Moudjahidines (OMPI) afin de rembourser sa dette envers ce groupe pour le soutien financier qu’il a reçu de leur part à la fin de son mandat. »
En réponse à ces accusations, Javaid Rehman a déclaré : « Durant tout mon mandat en tant que rapporteur spécial, j’ai servi le peuple iranien avec intégrité et un engagement absolu. J’ai joué un rôle crucial dans la mise en lumière et le signalement des violations des droits de l’homme dans ce pays. Pourtant, les autorités iraniennes, en violation des résolutions du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies concernant ma mission, m’ont non seulement empêché d’entrer en Iran, mais elles ont aussi lancé une série d’accusations infondées, telles que des allégations de partialité, de corruption politique, de pots-de-vin et d’actes illégaux, dans le but de me discréditer et de saper l’indépendance de mon travail. »
Le massacre de 1988 : l’un des pires crimes contre les droits de l’homme
Parmi les pires violations des droits de l’homme perpétrées par les dirigeants iraniens figure le massacre de 30 000 prisonniers politiques en 1988. 90 % des victimes étaient des membres des Moudjahidines du peuple, les ennemis jurés des mollahs. Ce massacre, initialement dirigé contre les Moudjahidines, s’est ensuite étendu aux combattants kurdes et aux prisonniers marxistes. À ce jour, une liste de 5 000 prisonniers exécutés a été dressée, de même que l’emplacement de centaines de fosses communes, ainsi que les noms de 35 membres des « commissions de la mort » qui, en l’espace de quelques minutes, décidaient du sort des prisonniers toujours fidèles à leurs idéaux de liberté, les condamnant ainsi à être fusillés.
L’ayatollah Khomeini, fondateur de la République islamique, a émis son décret pour l’exécution de tous les Moudjahidines qui persistaient dans leur lutte pour la liberté, au moment où il se résignait à mettre fin à la guerre de huit ans contre l’Irak, qu’il avait lui-même qualifiée de « coupe de poison ». En orchestrant cette terreur, il visait à empêcher que les dirigeants soient tenus responsables de cette guerre inutile, qui a causé un million de morts et de blessés du côté iranien, ainsi que des pertes financières évaluées à mille milliards de dollars.
À ce jour, les Nations Unies ont adopté soixante-dix résolutions condamnant les violations des droits de l’homme par les mollahs. Cependant, il est regrettable que certains États membres ferment les yeux sur la catastrophe des droits humains en Iran, comme la lapidation. Ne se rendent-ils pas compte que la destruction des droits de l’homme à une telle échelle ne peut plus être considérée comme un problème interne à l’Iran ? C’est en réalité une composante de la guerre impitoyable que mènent les mollahs pour assurer leur survie. Cette guerre se manifeste également par la propagation des conflits au Moyen-Orient, que nous observons actuellement, et par le terrorisme qui se propage à travers le monde.
« Non à la peine de mort »
Les données montrent que là où le nombre d’exécutions a diminué ou où la peine de mort a été abolie, les crimes associés à cette sentence ont également baissé. La peine de mort est, en essence, une arme politique utilisée par les régimes en place pour instaurer la terreur et garantir la soumission du peuple. Cela est particulièrement vrai dans le cas du régime iranien, où les exécutions font partie intégrante de sa stratégie de survie.
Maryam Radjavi, dirigeante de l’opposition iranienne, a lancé un appel au mouvement « Non à la peine de mort » en Iran. Depuis plus de 36 semaines, des prisonniers politiques de 21 prisons différentes entament une grève de la faim chaque mardi, jour des exécutions. Maryam Radjavi, fervente défenseure de l’égalité entre les sexes et de la séparation de la religion et de l’État, milite pour un Iran sans exécutions ni armes nucléaires. En tant que musulmane, elle remet en cause la légitimité de la peine de mort, que le régime iranien présente comme une « bénédiction divine ». Elle déclare : « Le Dieu que je vénère est un Dieu de bonté, de miséricorde et de pardon. » Pour elle, la peine de mort contredit profondément l’immense compassion que Dieu accorde à ses créatures.
Dans son ouvrage « La feuille de route vers la démocratie », elle écrit : « Notre motivation pour résister jusqu’à la victoire, ce n’est pas la haine ni la vengeance. Notre motivation, c’est l’amour de la liberté et de l’humanité. C’est la philosophie même de notre persévérance. »
L’Iran détient tristement le record mondial en matière d’exécutions politiques et de mises à mort par habitant. Selon Amnesty International, 74 % des exécutions enregistrées dans le monde en 2023 ont eu lieu en Iran. Les exécutions ordonnées par le régime, « au nom de Dieu », ont commencé avec l’élimination des Kurdes après la révolution de 1979, se sont intensifiées avec le génocide de 1982, pour culminer en 1988 avec le massacre de 30 000 prisonniers politiques. Ces exécutions barbares, telles que celle des 29 personnes exécutées lors du mercredi sanglant du 7 août 2024, perdurent encore aujourd’hui.
Sous la dictature religieuse, la haine, la vengeance et la rancœur règnent en maître. Pourtant, pour Maryam Radjavi, l’essence même de l’existence réside dans l’amour, la miséricorde et la paix. Elle rappelle que l’histoire de l’humanité s’écrit avant tout avec la miséricorde et l’amour.
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